Les figures d’intensité sont des procédés de style destinés à amplifier ou, à l’inverse, atténuer l’expression.
I. L’expression de l’atténuation
A. La litote
La litote travaille à suggérer, par une phrase de forme négative, un contenu affirmatif :
[…] Les Hurons, cette nuit, ont scalpé
Mes frères, mon mari ne s’est point
échappé.
Vigny, « La Sauvage », Les Destinés.
L’Indienne qui vient chercher protection auprès d’une famille de colons, suggère ainsi la mort de son mari avec pudeur, pour épargner ses interlocuteurs et s’épargner elle-même d’une évocation douloureuse...
B. L’euphémisme
L’Euphémisme est une figure qui consiste à atténuer l’expression d’un concept jugé déplaisant ou heurtant par l’émetteur de l’énoncé :
Je m’appuierai si bien et si fort à la vie, […]
Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s’échauffera de mon enlacement.
A. de Noailles, « L’empreinte », Le cœur innombrable.
La mort est ici évoquée par une subordonnée de temps dont le sujet (« la douceur du jour ») rappelle le prix de la vie, conférant au propos une portée pathétique.
C. La prétérition
Avec la prétérition, l’émetteur feint de vouloir taire ce qu’il s’apprête à formuler :
Je ne vous peindrai point le tumulte
et les cris,
Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris,
Le fils assassiné sur le corps de son père,
Le frère avec la sœur, la fille avec la mère…
Voltaire, Chant III, La Henriade.
La prétérition attire finalement l’attention de l’interlocuteur sur le message prétendument passé sous silence. Il s’agit donc, malgré l’apparente atténuation qu’elle fait porter sur l’énoncé, d’une figure de persuasion plutôt utilisée dans les poèmes à vocation didactique ou argumentative.
II. Les figures d’amplification
A. L’hyperbole
L’hyperbole est une exagération manifeste de l’expression : ainsi Verlaine évoque-t-il, non sans outrance, la mort de Philippe II d’Espagne, utilisant un lexique de la démesure :
Puis le râle des morts hurla
dans la poitrine
De l'auguste malade avec des sursauts fous :
Verlaine, La Mort de Philippe II, Poèmes saturniens.
On peut soupçonner Verlaine, ici, de se livrer à une parodie du style parnassien qui cultivait une certaine emphase..
L’hyperbole peut aussi se manifeste aussi dans l’utilisation de comparatifs et superlatifs :
Dans le clapotement furieux des
marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourds que
des cerveaux d’enfants,
Je courus ! …
Rimbaud, « Le
bateau ivre » ; Poésies.
A la furie des
éléments, Rimbaud oppose l’attitude autistique du bateau ivre, emporté par son
seul désir de fuite en avant.
Les images enfin
peuvent s’avérer hyperboliques :
Toi
qui, comme un coup de couteau,
Dans
mon cœur plaintif es entrée;
Toi
qui, forte comme un troupeau
De
démons, vins, folle et parée
Baudelaire,
« Le Vampire », Les Fleurs du Mal.
Les comparaisons
paroxystiques confèrent à la femme vampire une puissance irrésistible, source
d’une violence à laquelle le poète n’a rien à opposer.
B. L’anaphore
L’anaphore est la
répétition d’un segment syntaxique :
Il
n’y avait rien
rien
que la poussière des routes
rien
que les routes de misère,
rien
que des reines mortes clouées à des poutres.
René Daumal,
« L’Abandon », Le Contre-ciel.
Le poète, par
l’anaphore circonscrit le néant d’une vie dépourvue d’idéal.
C. L’accumulation et la gradation
L’accumulation est
une construction syntaxique qui consiste à juxtaposer des éléments de même
fonction grammaticale :
Toute
la nostalgie éparse de la terre
Pour
le soleil, pour la chaleur, pour la lumière
Pour
l’eau, pour les ébats folâtres des troupeaux,
Et
ton désir, jamais assouvi de repos,
Tout
cela chante et se lamente…
Alfred DesRochers,
« Hymne au vent du Nord », A l’ombre de l’Orford.
L’accumulation
traduit ici le foisonnement de la vie intériorisé parce que soumis à la
violence des vents du Nord.
La gradation est une accumulation dont les éléments constitutifs sont ordonnés :
Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.
La Fontaine, Le Lièvre et les Grenouilles, Fables.
La gradation permet à La Fontaine de signifier l’extrême inquiétude du lièvre motivée par des éléments dont la futilité va croissante.
C'est un roc ! ... c'est un pic ! ... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? … C'est une péninsule ! |
D. Le pléonasme
Le pléonasme
investit l’énoncé d’une répétition en apparence inutile, évoquant un buffet,
Rimbaud écrit :
Tout plein, c’est un fouillis de
vieilles vieilleries.
Rimbaud, « Le
buffet », Poésies.
L’adjectif « vieilles » fait redondance sur le nom qu’il détermine (« vieilleries ») mais le pléonasme fait véritablement figure d’insistance puisqu’il permet d’accentuer les deux idées énoncées dans le vers : l’antiquité des objets dissimulés et le désordre par l’allitération en [j] qu’il occasionne.
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