II. Le décompte des syllabes
Le vers français est, par nature, syllabique. Le décompte des syllabes va donc permettre de déterminer sa mesure. La syllabe correspond à une voyelle clairement perceptible entourée éventuellement de sons consonantiques.
A. Le problème du « e » muet
Seul, le « e » muet ([Ə]) pose véritablement problème. Sa prise en compte dépend de sa position.
Un "e" muet suivi d’une voyelle ne compte pas, il faut souligner que l’élision s’opère naturellement. Il est, de même, ignoré en fin de vers, ainsi dans ces deux vers de Lamartine :
Ain/si/, tou/jours/ pous/sés/ vers/ de/ nou/veaux/ ri/vages,
1 / 2 / 3 / 4 / 5 / 6 / 7 / 8/ 9 / 10 / 11/ 12
Dans/ la/ nuit/ é/ter/nelle/ em/por/tés/ sans/ re/tour,
1 / 2 / 3 / 4/ 5/ 6 / 7 / 8 / 9 / 10 / 11/12 Lamartine, « Le Lac », Méditations poétiques.
A l’inverse, ce même « e » muet compte, suivi d’une consonne :
Nul/ as/tre/ ne/ lui/sait/ dans/ l'im/men/si/té/ nue;
1 / 2 / 3 / 4/ 5 / 6 / 7 / 8 / 9 / 10/11/ 12
Leconte de Lisle, « Les Hurleurs », Poèmes Barbares.
B. Diérèse et synérèse
La diérèse est un effet de prononciation dû à la dissociation de deux voyelles au sein d’une syllabe : C’était l’heure tranquille où les lions vont boire Hugo, « Booz endormi », La légende des siècles.
La scission de lion en « li-on » crée un effet d’étirement qui peut suggérer la nonchalance de l’animal, au moment évoqué. La diérèse n’est donc jamais hasardeuse.
La synérèse est le phénomène inverse
D’un trait meurtrier empourpré de son sang
Ronsard, « XLIX », Premier livre des Amours.
La pratique du décasyllabe conduit à synthétiser les sons [i] et [e]. Là encore, la synérèse produit un effet saisissant, la contraction évoquant la soudaineté du « trait ».
III. Les principales mesures
Si l’alexandrin constitue, après la Pléiade, le vers de référence, il n’en demeure pas moins que la poésie exploite très tôt toutes les possibilités métriques, vers impairs compris.
A. Les mesures paires
L’alexandrin (ou dodécasyllabe) est introduit dans la langue française avec le Roman d’Alexandre (d’où son nom). Le dodécasyllabe se voit préféré au décasyllabe à la Renaissance en raison de l’évolution grammaticale de la langue. L’introduction systématique du pronom devant le verbe et de l’article devant le nom induisent la nécessité d’un mètre plus long.
Un/e/ lou/ve/ je/ vis/ sous/ l'an/tre/ d'un/ ro/cher
Du Bellay, « Songe, IV », Les Antiquités de Rome.
Le décasyllabe, vers de dix syllabes fut le vers de prédilection des poètes jusqu’au XVIe siècle, on le rencontre encore après, bien qu’il soit plus rarement utilisé de façon systématique :
Je/ vis/, je/ meurs ;/ je/ me/ brû/le et/ me/ noie,
Louise Labé, « Sonnet VIII », Sonnets.
L’octosyllabe comporte huit syllabes ; fréquent dans la production romanesque du Moyen Âge, il sera utilisé par la suite dans des œuvres légères rappelant le chant. Les romantiques puis Baudelaire en feront une utilisation plus conséquente, et parfois plus grave :
J'ai /per/du/ ma/ for/ce/ et/ ma/ vie,.
Et/ mes/ a/mi/s et/ ma/ gaie/té;
Musset, « Tristesse », Poésies nouvelles.
L’hexasyllabe (six syllabes) est rarement utilisé en isométrie, il vient parfois, en hétérométrie, ponctuer une strophe aux vers plus longs. On l’emploie par ailleurs dans des poèmes qui cherchent à imiter la dynamique de la chanson:
J'offre ces violettes,
Ces lys et ces fleurettes.
Hugo, « A Trilby, le lutin d’Argail », Odes et balades.
Définitions : L’isométrie se définit comme l’utilisation d’une mesure unique tout au long du poème ; l’hétérométrie, à l’inverse, se caractérise par l’utilisation de mètres divers dont l’alternance peut être organisée de façon régulière au sein de la strophe (voir fiche II).
B. Les mesures impaires
L’hendécasyllabe (onze syllabes) est un mètre fréquent dans la poésie médiévale, Marceline Desbordes-Valmore le remettra à l’honneur, de même que les symbolistes.
Ô/ champs/ pa/ter/nels/ hé/ris/sés/ de/ char/milles
Où/ glis/sent/ le/ soir/ des/ flots/ de/ jeu/nes/ filles !
Marceline Desbordes-Valmore, « Rêves intermittent d’une nuit triste », Poésies interdites.
L’ennéasyllabe (neuf syllabes) fut longtemps jugé impropre à la rythmique, l’ennéasyllabe est donc une mesure peu usitée, Verlaine le réhabilite dans son « Art poétique ».
De/ la/ mu/si/que a/vant/ tou/te/ chose
Et/ pour/ ce/la/, pré/fé/rer/ l’im/pair
Verlaine, « Art poétique », Jadis et naguère.
L’Heptasyllabe est sans doute le vers impair le plus communément mis en œuvre, fréquent chez La Fontaine, les poètes du XIXe y auront souvent recours :
Cha/que/ bel/le/ sans/ mys/tère
Bro/de/ son/ nom/ sur/ le/ lin.
Hugo, « Ode IV » Odes et balades.
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