Le lyrisme est habituellement défini comme l’expression du sentiment personnel, de l’émotion. Le terme vient du mot « lyre », instrument dont se servait l’aède (poète chanteur de l’antiquité), pour accompagner son chant.
II. L’expression du sentiment personnel
A. Un sentiment personnel ?
La poésie lyrique, si elle est, expression du sentiment personnel, met en place un "je", émetteur, éventuellement un "tu" destinataire et l’expression de sentiments qui se donnent à lire comme fruit de l’expérience affective.
Mais, « je » renvoie-t-il nécessairement au poète ? Le cas des poèmes de « Sur la mort de Marie » offre un exemple intéressant, prenons les tercets d’un sonnet bien connu :
La poésie lyrique, si elle est, expression du sentiment personnel, met en place un "je", émetteur, éventuellement un "tu" destinataire et l’expression de sentiments qui se donnent à lire comme fruit de l’expérience affective.
Mais, « je » renvoie-t-il nécessairement au poète ? Le cas des poèmes de « Sur la mort de Marie » offre un exemple intéressant, prenons les tercets d’un sonnet bien connu :
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase pleine de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Ronsard, « Comme on voit sur la branche… », Second livre des Amours.
Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase pleine de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Ronsard, « Comme on voit sur la branche… », Second livre des Amours.
La première strophe fait ressortir l’injustice de la mort qui emporte Marie, trop jeune. La suivante évoque les sentiments du poète, tristesse et désir de rendre un hommage ultime. Or l’on sait qu’il n’y a rien de personnel en ce poème puisqu’il s’agit d’une œuvre de commande destinée, à la demande du roi Henri III, à célébrer Marie de Clèves. Et pourtant, l’œuvre est lyrique. Certains objecteront que Ronsard y a transposé ses propres affects.
Il importe peu de savoir finalement si le « je » est authentique, si les sentiments exprimés sont réels ou non. Dans son acception traditionnelle, l’œuvre lyrique pose l’expression d’une émotion d’un sentiment auxquels le lecteur peut confronter sa propre expérience humaine.
Il importe peu de savoir finalement si le « je » est authentique, si les sentiments exprimés sont réels ou non. Dans son acception traditionnelle, l’œuvre lyrique pose l’expression d’une émotion d’un sentiment auxquels le lecteur peut confronter sa propre expérience humaine.
B. La gamme des sentiments
S’il est impossible de recenser tous les thèmes lyriques, il est aisé de constater que la poésie lyrique se nourrit d’un certain nombre de motifs (topos littéraires) : amour, deuil et mélancolie constituent une sorte de gamme des sentiments auxquels la poésie accorde un intérêt particulier, sans doute en raison de leur universalité :
a. L'amour
S’il est impossible de recenser tous les thèmes lyriques, il est aisé de constater que la poésie lyrique se nourrit d’un certain nombre de motifs (topos littéraires) : amour, deuil et mélancolie constituent une sorte de gamme des sentiments auxquels la poésie accorde un intérêt particulier, sans doute en raison de leur universalité :
a. L'amour
L’amour est un motif lyrique particulièrement récurrent, son intensité conduit à une expérience de la plénitude qui trouve avec la poésie un mode d’expression idéal :
J’étais à toi peut-être avant de t’avoir vu.
Ma vie, en se formant, fut promise à la tienne ;
Ton nom m’en avertit par un trouble imprévu,
Ton âme s’y cachait pour éveiller la mienne.
Marceline Debordes-Valmore, « Elégie », Elégies et romances.
A l’idéale fusion du « je » et du « tu », s’oppose l’amour vécu en solitaire, feu qui consume sans aboutir à la fusion rêvée :
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Robert Desnos, « J'ai tant rêvé de toi », Corps et biens.
b. deuil et mélancolieJ’étais à toi peut-être avant de t’avoir vu.
Ma vie, en se formant, fut promise à la tienne ;
Ton nom m’en avertit par un trouble imprévu,
Ton âme s’y cachait pour éveiller la mienne.
Marceline Debordes-Valmore, « Elégie », Elégies et romances.
A l’idéale fusion du « je » et du « tu », s’oppose l’amour vécu en solitaire, feu qui consume sans aboutir à la fusion rêvée :
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Robert Desnos, « J'ai tant rêvé de toi », Corps et biens.
La perte de l’amour, la perte de l’être cher conduisent au deuil, constat de l’irréparable comme dans, Le temps déborde d’Eluard .
Parce qu’il résulte d’une dépossession soudaine, le deuil est l’une des manifestations de la mélancolie dont l’expression constitue un thème majeur de la poésie lyrique.
Du Bellay, exprime dans les Regrets ce sentiment de malaise diffus lié à la perte, c’est le sentiment de la nostalgie. Chez les romantiques le malaise prend la forme du « Mal du siècle », sentiment de vague mélancolie :
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Musset, « Tristesse », Poésies nouvelles.
Parce qu’il résulte d’une dépossession soudaine, le deuil est l’une des manifestations de la mélancolie dont l’expression constitue un thème majeur de la poésie lyrique.
Du Bellay, exprime dans les Regrets ce sentiment de malaise diffus lié à la perte, c’est le sentiment de la nostalgie. Chez les romantiques le malaise prend la forme du « Mal du siècle », sentiment de vague mélancolie :
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Musset, « Tristesse », Poésies nouvelles.
La mélancolie prendra la forme paroxystique du « spleen » chez Baudelaire qui se plait à cultiver les métaphores de l’extrême :
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.!
Baudelaire, « Spleen », Les Fleurs du Mal.
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.!
Baudelaire, « Spleen », Les Fleurs du Mal.
C. L’expression lyrique
L’écriture lyrique, cherchant à communiquer l’émotion, use de procédés récurrents, dont il est impossible de dresser l’inventaire complet :
La syntaxe lyrique passe souvent par l’utilisation de l’exclamation qu’il s’agisse de célébrer ou de manifester le sentiment dans sa plénitude :
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues
Ô jours luisants vainement retournés !
Louise Labé, « Ô beaux yeux bruns… » Sonnets.
Le lyrisme recourt aussi volontiers aux figures de l’insistance qui permettent de porter l’accent sur l’intensité du sentiment :
Ah comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah comme la neige a neigé !
Qu'est-ce que le spasme de vivre
Ah la douleur que j'ai que j'ai !
Nelligan, « Soir d’hiver », Poésies complètes.
Le pléonasme (« la neige a neigé ») transcrit l’irrémédiable constat, l'hiver est là, porteur de mort.
L’écriture lyrique est donc, à l’image de la vie dont elle traduit la diversité des sentiments, d’une extrême variété.
L’écriture lyrique, cherchant à communiquer l’émotion, use de procédés récurrents, dont il est impossible de dresser l’inventaire complet :
La syntaxe lyrique passe souvent par l’utilisation de l’exclamation qu’il s’agisse de célébrer ou de manifester le sentiment dans sa plénitude :
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues
Ô jours luisants vainement retournés !
Louise Labé, « Ô beaux yeux bruns… » Sonnets.
Le lyrisme recourt aussi volontiers aux figures de l’insistance qui permettent de porter l’accent sur l’intensité du sentiment :
Ah comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah comme la neige a neigé !
Qu'est-ce que le spasme de vivre
Ah la douleur que j'ai que j'ai !
Nelligan, « Soir d’hiver », Poésies complètes.
Le pléonasme (« la neige a neigé ») transcrit l’irrémédiable constat, l'hiver est là, porteur de mort.
L’écriture lyrique est donc, à l’image de la vie dont elle traduit la diversité des sentiments, d’une extrême variété.
Ill. Orphée, va chercher Euridyce aux Enfers, Edmund Dulac, 1934.
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