Affichage des articles dont le libellé est 1e. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est 1e. Afficher tous les articles

lundi 18 août 2025

Pour un premier compte rendu de lecture en première

Parcours « Marginalité, plaisir du romanesque » (Roman) 

Claire de Duras, Ourika*, « Classiques et cie », Hatier ;
Victor Hugo, Notre Dame de Paris***, Pocket;
Anne Bronté, La Dame du manoir de Wildfell Hall ***, Archipoche; 
Hawthorne, La Lettre écarlate***, Gallmeister ; 
Zola, Nana***, Pocket ; 
Camus, La Chute, ** Folio ; 
Maryse Condé, Moi, Tituba, sorcière**, Folio ; 
Maggie O’Farrell, Hamnet**, Points Seuil
Tiffany McDaniel, Betty**, Gallmeister.. 

Parcours « Les jeux de la parole et du cœur » (Théâtre) 

Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien**, in Le marchand de Venise et autres pièces, GF;
Molière, Le Misanthrope***, « Étonnants classiques », Flammarion ; 
Goldoni, La Locandiera**, Folio bilingue ; 
Schnitzler, La Ronde**, Stock ; 
Giraudoux, Ondine**, Le Livre de poche ; 
E.E. Schmitt, La Tectonique des sentiments* in Théâtre (t. 4), Le Livre de poche. 

Parcours « La poésie, la nature, l’intime  » (Poésie) 

Victor Hugo, Les Contemplations*** (Livres I à IV), Le Livre de poche ; 
Emily Dickinson, Lieu dit l’éternité***, « Poésie », Points Seuil ; 
Verlaine, Romances sans paroles**, Le Livre de poche ; 
Alfred DesRochers, A l’ombre de l’Orford***, « Biblio », Fides ; 
Louise Glück, L’Iris sauvage**, Poésie/Gallimard;
C. Coulon, Les Ronces**, Le Castor astral. 

Parcours « Le goût de la science » (Littérature d’idées) 

Voltaire, Lettres philosophiques** (XI à XVIII), GF  (essai); 
Jules Verne, De la terre à la lune**, Le Rayon vert**, Le Livre de Poche ;Vingt mille lieues sous les mers***, Folio; ce dernier titre peut aussi être abordé dans le cadre du parcours "Marginalité, plaisir
du romanesque" 
(romans);
Sven Ortoli & Nicolas Vikowski, La Baignoire d’Archimède. Petite mythologie de la science*, Points Seuil; (recueil d'essais et d'anecdotes)
C. Dufour, Ada ou La passion des nombres*, Le Livre de Poche (biographie); 
Ian Mc Ewan, Je suis une machine**, Folio  (roman);
Antoine Jaquier, Simili-love*, Au Diable Vauvert  (roman); 
E. Klein, Le Goût du vrai**, « Tracts », Gallimard (essai).

Présenter un roman par oral

Il s'agit de prévoir un exposé oral de six-sept minutes, sans recourir si possible à vos notes. Ce travail est une préparation à l'exposé sur oeuvre (deuxième partie de l'épreuve orale de français) dont les modalités sont toutefois différentes de celles exposées ici. Votre prestation sera suivie de quelques questions.

1. Situer le roman dans un contexte littéraire
Donner, si possible quelques renseignements sur l’auteur : sa nationalité, sa date de naissance ; s’il s’agit d’un auteur classique, quelques renseignements sur sa biographie; insister sur ceux qui peuvent être mis en relation avec l'oeuvre que vous présentez. Vous pouvez aussi montrer que l'oeuvre est représentative d'un courant littéraire, par exemple, demandez-vous en quoi la pensée existentialiste permet de comprendre la trajectoir de J.-B. Clamence dans La Chute.

2/ Présentation de l'oeuvre

Pour un roman ou une piève de théâtre, rapportez l'intrigue: Racontez l'histoire, sans lire un résumé et en tenant bien compte de l’auditoire, ceux qui écoutent doivent vous comprendre, vous pouvez recourir au tableau, pour écrire le nom d'un personnage ou d'un lieu... Vous pouvez aussi précisez, pour un roman quel est le système narratif mis en oeuvre, à quel genre appartient la pièce de théâtre présentée...

Pour un texte argumentatif, restituez le cheminement de la pensée de l'auteur, qu'est-ce que Voltaire cherche à démontrer dans ses Lettres philosophiques, quels sont les arguments retenus?

Pour un recueil de poèmes, précisez la composition du recueil (est-il organisé en sections?), relevez un ou plusieurs thèmes récurrents en citant le recueil.

3/ Montrez en quoi l'oeuvre vient illustrer le "parcours" au programme : par exemple, dans Le Rayon vert, Jules Verne prend le contre-pied de ce qu'il a pu faire dans ses oeuvres précédentes, la science est ridiculisée par le biais du personnage d'Aristobulus Ursiclos et l'univers des mythes et de l'imaginaire valorisés par l'héroïne, Helena Campbell. Ainsi "le goût de la science" semble-t-il afficher ses limites avec cette oeuvre atypique.

4/ Concluez en montrant ce qui, à vos yeux, fait la valeur de cette oeuvre. Il faut faire preuve d'un jugement personnel motivé. Evitez de mettre en avant la "facilité" de la lecture - en première vous êtes censés lire tout type d'oeuvre. Mettez en avant les centres d'intérêt du livre, ce qui vous a interpelé ou touché personnellement.

dimanche 17 août 2025

Le goût de la science, quelques idées de lecture (Première)

Molière, Les Femmes savantes, « Classiques et Cie », Hatier 
Cyrano de Bergerac, Voyage dans la lune, GF ; 
Voltaire, Micromégas, Belin-Gallimard ; 
Voltaire, Lettres philosophiques, lettres XI à XVIII), Folio ; 
Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature, Folio ; 
Mary Shelley, Frankenstein, Le Livre de Poche;
Balzac, La recherche de l’absolu, Le Livre de Poche; 
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Folio ; 
Zola, Le Docteur Pascal, Le Livre de poche ; 
Jules Verne, De la Terre à la lune, Le Livre de Poche, Vingt mille lieues sous les mers, GF, Le Rayon vert, Folio, La Chasse aux météores, Folio, 
Camille Flammarion, Astronomie populaire, T. 2, Champs Flammarion ; 
H.G Wells, L’Île du docteur Moreau, Folio ;
Huxley, Le meilleur des mondes, Pocket; 
Bernanos, La France contre les robots, Payot ; 
Orwell, 1984, Hatier ; 
Bertold Brecht, La vie de Galilée, L’arche ; 
Asimov, Les Robots, J’ai lu ; 
Clifford Simak, Demain les chiens, J’ai lu ; 
Daniel Keyes, Des fleurs pour Algernon, J’ai lu ; 
Orson Scott Card, La Stratégie Ender, J’ai lu ; 
Apostolos Dioxadis, Oncle Pétros et la conjecture de Goldbach, Points Seuil ; 
Sven Ortoli & Nicolas Vikowski, La Baignoire d’Archimède. Petite mythologie de la science, Points Seuil ; 
K. Ishiguro, Klara et le soleil, Folio;
E.E. Schmitt, La trahison d’Einstein, (Théâtre, T. 4) Le Livre de Poche;
Etienne Klein, En cherchant Majorana, Folio ;  Le Goût du vrai, « tracts », Gallimard. 
Catherine Dufour, Ada ou la beauté des nombres, Le Livre de Poche ; 
Benoit Dolès, La Machine de Türing, Carrés classiques, Nathan ; 
Ian Mc Ewan, Une machine comme moi, Folio ; 
N. Henri, Marie et Bronia, le pacte des sœurs, Le Livre de Poche ; 
Marie Benedict, Madame Einstein, 10-18, La Femme qui en savait trop, 10-18 ; 
Antoine Jaquier, Simili-love, Au Diable-Vauvert.

samedi 16 août 2025

Le sonnet régulier

I. Définition
Né en Sicile au XIIIe siècle, le sonnet s’épanouit sous la plume des grands poètes italiens de
la renaissance, Boccace, Dante, et surtout Pétrarque dont l’œuvre nourrira l’imaginaire et la rhétorique des poètes français du XVI
e siècle. Le sonnet est un poème de quatorze vers répartis en deux quatrains et deux tercets (un sizain, à l’origine).

II. Le sonnet régulier
A. Le sonnet italien
Le sonnet dit « régulier » autorise deux structures canoniques :
La structure dite à « l’italienne » du sonnet consiste à présenter des rimes embrassées dans les tercets (abba) puis une rime suivie (cc) et, enfin, un ensemble de rimes embrassées (deed). L’appellation « italienne » est trompeuse puisqu’on peut constater que Pétrarque expérimente très tôt d’autres modes d’organisations des rimes au sein des tercets (cdecde, par exemple).
b. Le sonnet français
Le sonnet dit à la « française » préfère l’organisation ccd/ede dans les tercets. Là encore, il convient de relativiser l’appellation puisque les poètes de la Pléiade utilisent fréquemment le sonnet italien. Il est à noter, en outre, que, très tôt, s’impose en France l’alternance des rimes féminines et masculines.
Louise Labé, dans ses Sonnets (1550) utilise aussi bien la forme italienne que la forme française, on remarquera dans le sonnet suivant l’alternance, déjà présente, de rimes masculines et féminines.

Ne reprenez, Dames, si j'ai aimé :
Si j'ai senti mille torches ardentes,
Mille travaux, mille douleurs mordantes :
Si en pleurant, j'ai mon temps consumé,

Las que mon nom n'en soit par vous blâmé.
Si j'ai failli, les peines sont présentes,
N'aigrissez point leurs pointes violentes :
Mais estimez qu'Amour, à point nommé,

Sans votre ardeur d'un Vulcain excuser,
Sans la beauté d'Adonis accuser,
Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses :

En ayant moins que moi d'occasion,
Et plus d'étrange et forte passion.
Et gardez-vous d'être plus malheureuses
Louise Labé, « Sonnet XXIV », Sonnets.
Le sonnet est de forme italienne, les quatre derniers vers utilisant des rimes embrassées. L’alternance rimes masculines, rimes féminines est des plus régulières puisque sont masculines les rimes a (en [me]), c (en [kyze]) et e (en [iɔ̃]) alors que sont féminines les rimes b (en [ãt]) et d (en [∅z])

C. Le sonnet élisabéthain

En marge du sonnet régulier, s’affirment d’autres schémas d’organisation métrique : le sonnet skakespearien (élisabéthain) dispose les tercets en un quatrain, suivi d’un distique (cdd/cee), obtenant ainsi trois quatrains à rimes embrassées.

mercredi 13 août 2025

La question de grammaire à l'oral

 La question de grammaire vise à vérifier la qualité de vos connaissances grammaticales.

Trois points sont au programme

- Les subordonnées conjonctives (essentiellement en fonction de complément circonstanciel);

- L'interrogation (syntaxe, sémantique et pragmatique);

- La négation.

La méthode

1. Rappelez la question qui vous a été posée

Il ma été demandé d'étudier la fonction des subordonnées conjonctives dans le passage suivant :

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup-d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. 

2. Effectuez un relevez des objets grammaticaux qu'il vous a été demandé d'identifier 

Il s'avère qu'il y a deux subordonnées conjonctives dans la phrase

La première est "quand je t’en offre les moyens"

La seconde est "si tu peux".

Le fait que ce sont des conjonctives peut se déduire des mots subordonnants qui les introduisent les conjontions "quand" pour la première et "si" pour la deuxième.

3. Répondez à la question

La première subordonnée, "quand je t'en offre les moyens", est une subordonnée complément circonstanciel de temps, elle complète la principale à l'impératif: "rend-toi à l'évidence"

La seconde est une subordonnée de condition, elle complète la principale dans laquelle elle est  insérée 

"distingue [...] les sexes dans l'administration de la nature".

4. Interprétez si vous le pouvez le phénomène grammatical observé.

Les deux subordonnées ont pour fonction de brandir une menace. L'autrice s'adresse aux hommes et les enjoints à reconnaître qu'il n'y a pas de différences entre les sexes dans la nature. La première proposition laisse sous entendre que si l'interlocuteur reconnait la proposition de l'autrice à temps, il évitera le ridicule d'être confondu.  Et la seconde (si tu peux) suggère que l'homme aura beau chercher, la nature ne fait pas de différence comme il en existe dans les sociétés humaines.

dimanche 10 août 2025

Le rythme en poésie

I. Définitions

Le rythme du vers français est déterminé par la place des accents et des coupes au sein du vers. 
En français, l’accent se place sur la dernière syllabe d’un groupe grammatical. Par groupe grammatical, il faut entendre un ensemble syntaxique autonome : un groupe nominal, un ensemble sujet verbe, une interjection… L’accent ne porte jamais sur le « e » muet (caduc). Et la pause survient immédiatement après l’accent.
Un soir,/ t'en souvient-il ?// nous voguions/ en silence,
Lamartine, « Le Lac », Méditations poétiques,.
On obtient ainsi un rythme 2/4 // 3/3, rythme caractéristique de l’alexandrin binaire qui repose sur une césure à l’hémistiche (syllabe médiane).

2. Les rythmes de l’alexandrin

a. Rythmes binaire et ternaire

Dans ’alexandrin classique postule le rythme binaire est une nécessité, il est marqué par deux accents répartis de façon sensiblement égale sur chaque hémistiche
Eva/ qui donc es-tu ?// Sais-tu bien/ ta nature ?
Sais-tu/ quel est ici// ton but/ et ton devoir ?
Vigny, « La Maison du berger », Les Destinées.
Les vers suivent les rythme, 2/4//3/3, 2/4//2/4, rythmes binaires réguliers.
Les romantiques ont revendiqué la paternité de l’alexandrin ternaire qui passait pour une audace. Hugo l’utilise en fait assez peu.
Si j’étais Dieu/ ; la terre et l’air/ avec les ondes
Hugo, « A une femme », Les Feuilles d’automne.
Si le rythme binaire souligne un effet d’insistance (le martèlement du questionnement chez Vigny), le rythme ternaire par son amplitude rend compte de la dimension spatiale d’une rêverie cosmique

b. Le rythme accumulatif

L’accent peut se démultiplier de façon anarchique ainsi dans ces deux vers de Verlaine, à l’extraordinaire régularité binaire du premier vers (3/3//3/3) qui fige l’expression dans une immobilité statuaire, succède un rythme accumulatif (1/3/2/2/2/2) qui mime les inflexions dune voix hésitante :
Son regard est pareil au regard des statues
Et/ pour sa voix/ lointai/ne et cal/me et gra/ve elle a
Verlaine, « Mon rêve familier »,  Poèmes saturniens.

c. Le rythme croissant

Les accents s’espacent progressivement pour créer un effet d’éloignement (2/4/6)
Partir/ en s’embrassant// du nid qui les rassemble
Lamartine, « Chant d’amour », Nouvelles Méditations poétiques.

jeudi 7 août 2025

La mesure du vers


I. Définition
La mesure (ou mètre) désigne l’ensemble des syllabes qui composent le vers. Attention ! On préférera le terme « syllabe » à celui de « pied » pour signifier l’unité de mesure du vers. Le pied renvoie à la métrique latine qui ne s’appuie pas sur la syllabe pour définir ses unités de base. 

II. Le décompte des syllabes 
Le vers français est, par nature, syllabique. Le décompte des syllabes va donc permettre de déterminer sa mesure. La syllabe correspond à une voyelle clairement perceptible entourée éventuellement de sons consonantiques. 
A. Le problème du « e » muet 
Seul, le « e » muet ([Ə]) pose véritablement problème. Sa prise en compte dépend de sa position. Un "e" muet suivi d’une voyelle ne compte pas, il faut souligner que l’élision s’opère naturellement. Il est, de même, ignoré en fin de vers, ainsi dans ces deux vers de Lamartine : 
Ain/si/, tou/jours/ pous/sés/ vers/ de/ nou/veaux/ ri/vages, 
 1 /  2 /   3 / 4 /       5 /    6 /   7 /    8/    9 / 10 /     11/ 12 
Dans/ la/ nuit/ é/ter/nelle/ em/por/tés/ sans/ re/tour, 
 1 /      2 / 3 /   4/ 5/   6 /     7  / 8  / 9 / 10 /    11/12  Lamartine, « Le Lac », Méditations poétiques. 

A l’inverse, ce même « e » muet compte, suivi d’une consonne : 
Nul/ as/tre/ ne/ lui/sait/ dans/ l'im/men/si/té/ nue; 
 1 /    2 / 3 / 4/   5 / 6 /    7 /      8 / 9 /   10/11/ 12 Leconte de Lisle, « Les Hurleurs », Poèmes Barbares.

B. Diérèse et synérèse 

La diérèse est un effet de prononciation dû à la dissociation de deux voyelles au sein d’une syllabe : C’était l’heure tranquille où les lions vont boire Hugo, « Booz endormi », La légende des siècles
La scission de lion en « li-on » crée un effet d’étirement qui peut suggérer la nonchalance de l’animal, au moment évoqué. La diérèse n’est donc jamais hasardeuse. 
La synérèse est le phénomène inverse 
D’un trait meurtrier empourpré de son sang Ronsard, « XLIX », Premier livre des Amours. 
La pratique du décasyllabe conduit à synthétiser les sons [i] et [e]. Là encore, la synérèse produit un effet saisissant, la contraction évoquant la soudaineté du « trait ». 

III. Les principales mesures 
Si l’alexandrin constitue, après la Pléiade, le vers de référence, il n’en demeure pas moins que la poésie exploite très tôt toutes les possibilités métriques, vers impairs compris. 
 A. Les mesures paires 

L’alexandrin (ou dodécasyllabe) est introduit dans la langue française avec le Roman d’Alexandre (d’où son nom). Le dodécasyllabe se voit préféré au décasyllabe à la Renaissance en raison de l’évolution grammaticale de la langue. L’introduction systématique du pronom devant le verbe et de l’article devant le nom induisent la nécessité d’un mètre plus long. 
Un/e/ lou/ve/ je/ vis/ sous/ l'an/tre/ d'un/ ro/cher
Du Bellay, « Songe, IV », Les Antiquités de Rome
Le décasyllabe, vers de dix syllabes fut le vers de prédilection des poètes jusqu’au XVIe siècle, on le rencontre encore après, bien qu’il soit plus rarement utilisé de façon systématique : 
Je/ vis/, je/ meurs ;/ je/ me/ brû/le et/ me/ noie, Louise Labé, « Sonnet VIII », Sonnets. 
L’octosyllabe comporte huit syllabes ; fréquent dans la production romanesque du Moyen Âge, il sera utilisé par la suite dans des œuvres légères rappelant le chant. Les romantiques puis Baudelaire en feront une utilisation plus conséquente, et parfois plus grave : 
J'ai /per/du/ ma/ for/ce/ et/ ma/ vie,.
Et/ mes/ a/mi/s et/ ma/ gaie/té; Musset, « Tristesse », Poésies nouvelles
L’hexasyllabe (six syllabes) est rarement utilisé en isométrie, il vient parfois, en hétérométrie, ponctuer une strophe aux vers plus longs. On l’emploie par ailleurs dans des poèmes qui cherchent à imiter la dynamique de la chanson: 
J'offre ces violettes, 
 Ces lys et ces fleurettes. Hugo, « A Trilby, le lutin d’Argail », Odes et balades
Définitions : L’isométrie se définit comme l’utilisation d’une mesure unique tout au long du poème ; l’hétérométrie, à l’inverse, se caractérise par l’utilisation de mètres divers dont l’alternance peut être organisée de façon régulière au sein de la strophe (voir fiche II). 
B. Les mesures impaires 
L’hendécasyllabe (onze syllabes) est un mètre fréquent dans la poésie médiévale, Marceline Desbordes-Valmore le remettra à l’honneur, de même que les symbolistes. 

Ô/ champs/ pa/ter/nels/ hé/ris/sés/ de/ char/milles 
Où/ glis/sent/ le/ soir/ des/ flots/ de/ jeu/nes/ filles ! 
 Marceline Desbordes-Valmore, « Rêves intermittent d’une nuit triste », Poésies interdites. L’ennéasyllabe (neuf syllabes) fut longtemps jugé impropre à la rythmique, l’ennéasyllabe est donc une mesure peu usitée, Verlaine le réhabilite dans son « Art poétique ». 
De/ la/ mu/si/que a/vant/ tou/te/ chose 
Et/ pour/ ce/la/, pré/fé/rer/ l’im/pair Verlaine, « Art poétique », Jadis et naguère. 
L’Heptasyllabe est sans doute le vers impair le plus communément mis en œuvre, fréquent chez La Fontaine, les poètes du XIXe y auront souvent recours : 
Cha/que/ bel/le/ sans/ mys/tère 
 Bro/de/ son/ nom/ sur/ le/ lin. Hugo, « Ode IV » Odes et balades.

mardi 5 août 2025

La poésie, la nature, l'intime (Première)

Oeuvres poétiques et recueils du XIXe au XXIe siècles

Novalis, Hymnes à la nuit, Poésie / Gallimard; 

Keats, Ode à un Rossignol et autres poèmes, La Délirante;

Percy B. Shelley, Ode au vent d'Ouest, Points Seuil;

Lamartine, Méditations poétiques, Le Livre de Poche; 

Debordes Valmore, Les Pleurs, GF;

Bronte Emily, Cahiers de poèmes, Points Seuil;

Victor Hugo, Les Contemplations, I à IV, GF;

Emily Dickinson, Lieu dit l'éternité; Points Seuil; 

Walt Whitman, Feuilles d'herbes, Points Seuil;

Verhaeren, Les Campagnes hallucinées, Poésie Gallimard; 

Yeats, La Rose et autres poèmes, Points Seuil; 

Rilke, Vergers, Poésie/Gallimard; Le Livre de la vie monastique, Arfuyen;

Alfred des Rochers, A l'ombre de l'Orford, Biblio Fides;

Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l'espace, Bibliothèque Québécoise; 

Kathleen Raine, La Présence, Verdier;

Jaccottet, A la lumière d'hiver, Poésie Gallimard; 

Andrée Chédid, Rythmes, Poésie / Gallimard;

Sylvia Baron Supervielle, Un autre loin, Gallimard;

Cécile Coulon, Les Ronces, Le Castor Astral.


Récits - essais

Chateaubriand, René, Folio;

Nerval, Sylvie, Folio;

Henry D. Thoreau, Les forêts du Maine, José Corti;

Jack London, L'Appel de la forêt, Le Livre de Poche;

Jean Giono, Le Chant du monde, Le Livre de Poche; 

André Dhotel, Le Pays ou l'on n'arrive jamais, J'ai lu;

Maurice Genevoix, La Forêt perdue, GF; 

Robert Harrison, Forêts, promenade dans notre imaginaire, Champ Flammarion;  

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Folio; 

Antonio Moresco, La petite lumières, Verdier.



lundi 4 août 2025

Les figures d'intensité

Les figures d’intensité sont des procédés de style destinés à amplifier ou, à l’inverse, atténuer l’expression.

I. L’expression de l’atténuation

A. La litote

La litote travaille à suggérer, par une phrase de forme négative, un contenu affirmatif :

[…] Les Hurons, cette nuit, ont scalpé

Mes frères, mon mari ne s’est point échappé.

Vigny, « La Sauvage », Les Destinés.

L’Indienne qui vient chercher protection auprès d’une famille de colons, suggère ainsi la mort de son mari avec pudeur, pour épargner ses interlocuteurs et s’épargner elle-même d’une évocation douloureuse...

B. L’euphémisme

L’Euphémisme est une figure qui consiste à atténuer l’expression d’un concept jugé déplaisant ou heurtant par l’émetteur de l’énoncé :


Je m’appuierai si bien et si fort à la vie, […]

Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie

Elle s’échauffera de mon enlacement.

A. de Noailles, « L’empreinte », Le cœur innombrable.

La mort est ici évoquée par une subordonnée de temps dont le sujet (« la douceur du jour ») rappelle le prix de la vie, conférant au propos une portée pathétique.

C. La prétérition

Avec la prétérition, l’émetteur feint de vouloir taire ce qu’il s’apprête à formuler :

Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris,
Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris,
Le fils assassiné sur le corps de son père,
Le frère avec la sœur, la fille avec la mère…

Voltaire, Chant III, La Henriade.

La prétérition attire finalement l’attention de l’interlocuteur sur le message prétendument passé sous silence. Il s’agit donc, malgré l’apparente atténuation qu’elle fait porter sur l’énoncé, d’une figure de persuasion plutôt utilisée dans les poèmes à vocation didactique ou argumentative.

II. Les figures d’amplification

A. L’hyperbole

L’hyperbole est une exagération manifeste de l’expression : ainsi Verlaine évoque-t-il, non sans outrance, la mort de Philippe II d’Espagne, utilisant un lexique de la démesure :

Puis le râle des morts hurla dans la poitrine
De l'auguste malade avec des sursauts fous :

Verlaine, La Mort de Philippe II, Poèmes saturniens.

On peut soupçonner Verlaine, ici, de se livrer à une parodie du style parnassien qui cultivait une certaine emphase..

L’hyperbole peut aussi se manifeste aussi dans l’utilisation de comparatifs et superlatifs :


Dans le clapotement furieux des marées,

Moi, l’autre hiver, plus sourds que des cerveaux d’enfants,

Je courus ! …

Rimbaud, « Le bateau ivre » ; Poésies.

A la furie des éléments, Rimbaud oppose l’attitude autistique du bateau ivre, emporté par son seul désir de fuite en avant.

Les images enfin peuvent s’avérer hyperboliques :

Toi qui, comme un coup de couteau,

Dans mon cœur plaintif es entrée;

Toi qui, forte comme un troupeau

De démons, vins, folle et parée

Baudelaire, « Le Vampire », Les Fleurs du Mal.

Les comparaisons paroxystiques confèrent à la femme vampire une puissance irrésistible, source d’une violence à laquelle le poète n’a rien à opposer.

B. L’anaphore

L’anaphore est la répétition d’un segment syntaxique :

Il n’y avait rien

rien que la poussière des routes

rien que les routes de misère,

rien que des reines mortes clouées à des poutres.

René Daumal, « L’Abandon », Le Contre-ciel.

Le poète, par l’anaphore circonscrit le néant d’une vie dépourvue d’idéal.

C. L’accumulation et la gradation

L’accumulation est une construction syntaxique qui consiste à juxtaposer des éléments de même fonction grammaticale :

Toute la nostalgie éparse de la terre

Pour le soleil, pour la chaleur, pour la lumière

Pour l’eau, pour les ébats folâtres des troupeaux,

Et ton désir, jamais assouvi de repos,

Tout cela chante et se lamente…

Alfred DesRochers, « Hymne au vent du Nord », A l’ombre de l’Orford.

L’accumulation traduit ici le foisonnement de la vie intériorisé parce que soumis à la violence des vents du Nord.

La gradation est une accumulation dont les éléments constitutifs sont ordonnés :

Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.

La Fontaine, Le Lièvre et les Grenouilles, Fables.

La gradation permet à La Fontaine de signifier l’extrême inquiétude du lièvre motivée par des éléments dont la futilité va croissante.

C'est un roc ! ... c'est un pic ! ... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? … C'est une péninsule !

D. Le pléonasme

Le pléonasme investit l’énoncé d’une répétition en apparence inutile, évoquant un buffet, Rimbaud écrit :

Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries.

Rimbaud, « Le buffet », Poésies.

L’adjectif « vieilles » fait redondance sur le nom qu’il détermine (« vieilleries ») mais le pléonasme fait véritablement figure d’insistance puisqu’il permet d’accentuer les deux idées énoncées dans le vers : l’antiquité des objets dissimulés et le désordre par l’allitération en [j] qu’il occasionne.

jeudi 31 juillet 2025

Les figures de substitution


I Définition

Les figures de substitution consistent à remplacer, au sein d’un discours, un élément B (le substitué) par un élément A (le substituant), entre le substituant (A) et le substitué (B) existe nécessairement un rapport de sens.

II. La métonymie

Avec la métonymie on substitue à un objet B, un objet A qui présente avec le premier un rapport de sens.

Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu’un malin regard en coulisse
Théophile Gautier ; « Carnaval » ; Emaux et Camées.
Dans ces vers, Théophile Gautier préfère le costume, le « domino » (A), à son propriétaire (B), la figure de style permet de signifier l’efficacité du déguisement.
Les rapports de sens entre substituants et substitués peuvent varier. Ce peuvent être des liens de fonctionnalité (l’instrument substitué à l’instrumentiste, un tambour), des liens de proximité (le vêtement pour la personne qui le porte –le domino, ci-dessus – ou le contenant pour le contenu, boire un verre), des liens symboliques (dans le titre du roman de Stendhal, Le Rouge et le Noir, le rouge symbolise l’uniforme de l’armée, le noir, la soutane du clergé), etc.

III. La synecdoque

La synecdoque est une métonymie dont les éléments (substituant et substitué) entretiennent un rapport de sens plus étroit : une partie est substituée à un tout, un tout à une partie,
Il est dans ces déserts, un toit rustique et sombre
Que la montagne abrite de son ombre.
Lamartine, « Milly ou la terre natale », Méditations poétiques.
Le toit remplace ici la maison, la synecdoque permet d’insister sur la dimension protectrice de la maison.
Un matériau peut désigner l’ensemble dont il est constitué :
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à coté d'eux.
Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du Mal.
La synecdoque des « planches » (mises pour le pont du navire) permet une évocation réaliste du choc subi par l’oiseau brusquement jeté à terre.

IV. La périphrase

La périphrase est un substitut lexical, il s’agit le plus souvent d’un groupe nominal qui, indirectement, désigne l’élément substitué :
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
La Fontaine, « Le loup et l’agneau », Fables.
L’ « animal plein de rage » renvoie au loup qui s’apprête à dévorer l’agneau, la périphrase permet la mise en évidence d’une qualité ou d’une caractéristique de l’objet désigné, ici la férocité du loup.
Ill. de Grandville pour "Le Loup et l'agneau".

samedi 15 avril 2023

Le vers et la syntaxe

I. Définition 

La syntaxe est l’ensemble des règles qui organisent la phrase et les unités constitutives de la phrase (propositions, groupes ou syntagmes). Les vers imprimant une rythmique particulière à l’énoncé, il est possible d’observer des phénomènes de concordance ou de discordance entre la syntaxe et le vers. Les phénomènes de discordance sont généralement pertinents, dans la mesure où ils entraînent nécessairement une mise en relief. Les phénomènes de concordance traduisent plutôt une volonté d’équilibre, de la part du poète. 

II. Concordance métrique et enjambement. 

La poésie classique proscrit les phénomènes de discordance, le vers a pour fonction de conférer

régularité et harmonie rythmique au propos. Le vers de Vigny, par exemple, s’avère plus souvent classique, dans sa forme, que romantique : 
La nature t’attend dans un silence austère ; 
L’herbe élève à tes pieds son nuage des soirs, 
Et le soupir d’adieu du soleil à la terre 
Balance les beaux lys comme des encensoirs. Vigny, « La maison du berger », Les Destinées
Les deux premiers vers font coïncider le vers et la proposition, l’accent vient se placer sur la dernière syllabe d’un ensemble syntaxique cohérent. Pour prendre l’exemple du premier vers les deux accents obligatoires se portent sur le [ã] de « t’attend » entraînant la césure à l’hémistiche et isolant le groupe sujet verbe ; le second se porte sur la syllabe [εR] de l’adjectif « austère », à la fin du vers donc, et d’un syntagme circonstanciel. Les propositions épousant parfaitement le cadre du vers, il y a concordance métrique. 
Les deux derniers vers offrent un exemple d’enjambement, puisque la proposition s’étend sur deux vers : le premier vers développe le syntagme nominal sujet, le second, le syntagme verbal ainsi qu’un syntagme circonstanciel associé. On parlera d’enjambement lorsque la proposition (ou la phrase) dépasse le cadre du vers pour s’étendre jusqu’à l’hémistiche suivant - elle peut aussi embrasser plusieurs vers. L’enjambement n’est pas nécessairement discordant : on considérera que le vers est en harmonie avec la phrase s’il fait tomber l’accent sur la dernière syllabe d’un élément syntaxique autonome : 
Persécuté, proscrit, chassé de son asile, 
Pour avoir appelé les choses par leur nom, 
Un pauvre philosophe errait de ville en ville, 
Emportant avec lui tous ses biens, sa raison. Florian, « Le philosophe et le chat-huant », Fables
Dans cette fable de Florian (seuls les accents obligatoires ont été placés), l’accent qui intervient à l’hémistiche ou sur la fin du vers correspond invariablement à la fin d’une unité syntaxique. Florian s’inscrit parfaitement dans l’idéal classique qui prescrit l’harmonie rythmique. 
Des vers tels que ceux de Jean Moréas, ci-dessous, eussent été impensables dans la période préromantique. 
Parmi les marronniers, parmi les 
Lilas blancs, les lilas violets, 
La ville de houblon s’enguirlande, Jean Moréas, « Parmi les marronniers », Les Syrtes
La scission du syntagme nominal « les / Lilas blancs » défie toute logique syntaxique, toute habitude phonétique, l’effet obtenu s’avère néanmoins intéressant, la cassure ainsi opérée sur la syntaxe anticipe sur le motif du zigzag qu’introduit le verbe « enguirlander » et place l’expression « lilas blanc » dans une intrigante situation de rejet. 

III. Rejets et contre-rejets 

Le rejet et le contre rejet sont des phénomènes de discordance volontaires entre la syntaxe et la disposition métrique.
Ils sont utilisés à la période classique dans les fables ou dans les comédies, lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention sur un mot. On parle de rejet lorsqu’un bref segment final d’un groupe grammatical ou d’une proposition est déporté au vers suivant : 
Le printemps maladif a chassé tristement 
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide, Mallarmé, « Renouveau », Poésies
C’est ici, le complément d’objet du verbe « a chassé » qui se trouve en situation de rejet. Le rejet s’avère ici particulièrement judicieux puisqu’il met en œuvre l’idée exprimée par le verbe chasser. Le contre-rejet est le phénomène inverse. Le segment initial d’un groupe grammatical est placé en fin de vers, la suite du groupe en question se déployant sur le vers suivant : 
Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne 
Faisait voler la grive à travers l’air atone, Verlaine, « Nevermore », Poèmes saturniens.
Le sujet du verbe « faisait » (L’automne) est donc placé en suspens. Là aussi le contre-rejet s’avère performant : il attire l’attention sur un mot clé du poème et il génère un mouvement d'atermoiement qui signale l’hésitation précédant l’émergence du souvenir. 
Rejets et contre-rejets créent une discordance que les romantiques et surtout les symbolistes ont su utiliser de manière frappante.

vendredi 30 septembre 2022

Les figures d'opposition


I. L’antithèse
L’antithèse consiste généralement à faire coexister deux termes opposés au sein d’un même énoncé. Aristote fait remarquer que l’antithèse est une figure de rhétorique fondée sur la répétition, répétition de mots, de syllabes ou de rythmes.
Le célèbre décasyllabe de Louise Labé illustre parfaitement la conception aristotélicienne :
Je vis, je meurs, je me brûle et me noie
Louise Labé, « Sonnet VII », Sonnets.
Les verbes sont antithétiques, par leur sens (vivre mourir), par l’élément auquel ils se réfèrent (le feu et l’eau).
L’antithèse peut aussi expliciter le doute, comme dans ces vers où Verlaine évoque cette « femme inconnue » qui apparaît dans ses rêves
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Verlaine, « Mon rêve familier », Poèmes saturniens.
Les vers développent une antithèse du même et de l’autre dans un processus de modalisation (« ni tout à
fait ») qui traduit l’incertitude du rêveur quant à l’identité de la femme.
L’antithèse peut avoir pour fonction de créer un effet contrasté, au sein d’un tableau, par exemple :
Les étoiles, points d'or, percent les branches noires;
Hugo, « A la fenêtre, pendant la nuit », Les Contemplations.
Elle instaure alors une esthétique du contrate, primordiale pour les romantiques qui affirmaient la nécessité du contrepoint pour rendre compte des antinomies de la vie.

II. L’expression du paradoxe

Définition : Le paradoxe se définit communément comme une opinion contraire à l’opinion commune. Plus souvent, le paradoxe se présentera sous la forme d’une transgression qui contredit les lois de l’univers ou de la morale. Le paradoxe est la figure de l’impossible rendu possible. Il peut prendre l’aspect de l’oxymore ou s’exprimer plus directement par le biais d’énoncés qui suscitent l’étonnement.

A. L’Oxymore
L’oxymore est typiquement une figure de style qui relève de cette logique du paradoxe puisqu’elle unit dans un même syntagme nominal ou, dans une relation sujet / attribut du sujet, un substantif à une expansion qui le contredit :
Je sais que c'est la coutume
D'adorer ces nains géants
Qui, parce qu'ils sont écume,
Se supposent océans;
Victor Hugo, « II, XVIII », Les Contemplations.
Les « nains géants » de Victor Hugo » sont les « César », « Pompée », chefs de guerre qui tirent leur gloire de hauts faits guerriers et que le poète s’apprête à comparer au « Dieu des petits oiseaux ». L’oxymore a pour fonction de relativiser cette gloire dont ils se targuent. Elle participe, à ce titre, d’une stratégie argumentative de la dévalorisation.
Plus troublante et plus poétique, sera l’utilisation qu’en fait Baudelaire dans l’« Invitation au voyage » :
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Baudelaire, « L’Invitation au voyage », Les Fleurs du Mal,
L’oxymore « soleils mouillés » vient, en comparant des « traîtres yeux », exprimer l’ambivalence de la femme baudelairienne, à la fois lumineuse et chargée de mystères, guide spirituel et possible agent de perdition.

B. Le Paradoxe
Le paradoxe prend généralement le contre-pied de l’opinion commune, comme dans ces vers extraits des Fleurs du Mal :
Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements,
Baudelaire, « Les petites vieilles », Les Fleurs du Mal.
Baudelaire s’en sert fréquemment pour affirmer la morale décalée du dandy qui délibérément cherche à rompre avec le commun des mortels.
Le paradoxe peut aussi s’affirmer dans la contradiction d’une loi physique ou naturelle :
L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Baudelaire, « Le Poison », Les Fleurs du Mal.
Le paradoxe met ici en avant le singulier pouvoir de l’opium, susceptible d’agrandir l’infini, et suggère les dangers d’un « poison » qui conduit son utilisateur à transgresser en esprit les lois de la nature.

III. L’antiphrase

L’antiphrase est un paradoxe du discours, elle consiste à faire comprendre le contraire de ce que l’on signifie. Baudelaire (encore lui), démontre les mécanismes de l’antiphrase dans cette réflexion, extraite du Spleen de Paris ; après avoir évoqué un ours blanc qui se dandine derrière les barreaux de sa cage, il écrit :
« Ce monstre est un de ces animaux qu’on appelle généralement « Mon ange ! », c’est à dire une femme… »
Baudelaire, « La femme sauvage et la petite maîtresse », Le spleen de Paris.
Le discours attribue malicieusement ou inconsciemment l’expression « Mon ange », à un être considéré comme monstrueux, ce qui relève clairement de l’antiphrase. L’antiphrase est la figure privilégiée du discours
ironique et suppose une complicité entre l’émetteur et le destinataire qui a charge de reconstituer le sens véritable.
Il est à noter que, dans le texte de Baudelaire, l’ironie fonctionne sur deux niveaux puisqu’elle concerne aussi l’émetteur de l’expression « Mon ange », fustigé pour sa mauvaise foi. Le texte poursuit d’ailleurs ainsi :
L’autre monstre, un bâton à la main est un mari. Il a enchaîné sa femme légitime comme une bête, et il la montre dans les faubourgs, les jours de foire…
Baudelaire, « La femme sauvage et la petite maîtresse », Le Spleen de Paris.
Un autre exemple d’antiphrase nous sera donné avec cette fable de Florian, qui montre combien le procédé dépend du contexte énonciatif. Florian décrit une jeune coquette Chloé, aux prises avec une abeille :
« Au secours ! Au secours ! crie aussitôt la dame :
Venez, Lise, Marton, accourez promptement ;
Chassez ce monstre ailé. » Le monstre insolemment
Aux lèvres de Chloé se pose."
Florian, « La Coquette et l’abeille », Fables.
Lorsque Chloé traite l’abeille de « monstre ailé », nulle plaisanterie, l’expression peut, à la rigueur, témoigner de la frayeur éprouvée par la jeune femme. Mais lorsque le fabuliste, reprend l’expression « Le monstre », il opère un clin d’œil à destination du lecteur. L’animal est inoffensif ou presque, la frayeur de la coquette un trait de son caractère excessif.

Pour un premier compte rendu de lecture en première

Parcours « Marginalité, plaisir du romanesque » (Roman)  Claire de Duras , Ourika *, « Classiques et cie », Hatier ; Victor Hugo, Notre Dam...