jeudi 28 octobre 2010

Le Vent d'Emile Verhaeren


Un poème automnal, lisez-le à voix haute et vous entendrez la plainte et la fougue du vent. Verhaeren est un poète belge, de la fin de XIXe, il est l'un des premiers à utiliser de façon systématique le vers libre et sa poésie est généralement très musicale.

Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre ;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.

Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d'oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre ! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Verhaeren, Les Villages illusoires, 1895.

Ill. A. Rackham, Fallen Leaf.

Louisa May Alcott

Louisa May Alcott est, pour le grand public, l'auteure d'un seul livre, Les quatre filles du docteur March, traduction assez improbable de Little women (1868). Ce livre a eu un tel succès qu'il a éclipsé le reste de l'oeuvre que la critique redécouvre pourtant de façon progressive. Dans les trente premières années qui ont suivi sa parution, il s'est vendu plus d'un million sept cent mille exemplaires de Little women ce qui, pour l'époque est considérable.
Devant l'ampleur du succès, Louisa, encouragée par son éditeurs dû donner des sequels (suites) à l'ouvrage :
Les filles du docteur March se marient (Little Women, part II), Le Rêve de Jo March (Little Men), La grande famille de Jo March (Jo’s boys).
Ce qu'il faut bien comprendre c'est que Little women est un ouvrage autobiographique et le personnage de Jo, cette jeune femme énergique, un peu garçon manqué, seconde d'une fratrie de quatre filles est évidemment le double littéraire de Louisa.
On la voit, dans le roman souhaiter un jour devenir écrivain et pouvoir ainsi pourvoir aux besoins de sa famille.
Il faut dire que comme dans le roman la famille Alcott dut souffrir d'une forme de déclassement social. Le révérend Bronson Alcott, père de Louisa ayant vu sa fortune disparaître suite aux malversations financières d'un ami.
Louisa comprend donc que l'une des seules voies qui s'offrent à elle, c'est l'écriture et elle se met à rédiger des Potboilers, des romans mélodramatiques. Les éditeurs français en ont exhumé quelques uns : Derrière le masque et Secrets de famille sont édités Chez Joelle Losfeld.
L'oeuvre de Louisa May Alcott a donc deux versants bien distincts : les romans pour la jeunesse qui cultivent les bons sentiments et exaltent les valeurs familiales et les mélodrames tortueux pleins de complots, de traîtres et de coups de théâtre.

mercredi 13 octobre 2010

Un rêve d'Aloysius Bertrand

Aloysius Bertrand (Louis Bertrand de son vrai nom, 1807-1841) est l'inventeur du poème en prose. S'il n'a connu aucun succès de son vivant. Les plus grands poètes ont, par la suite manifesté leur admiration pour son oeuvre (Baudelaire, André Breton). Dans la partie centrale de son recueil de poèmes, Gaspard de la nuit, ("La Nuit et ses prestiges") il évoque des scènes de rêves et de magie, autant d'hallucinations auxquelles son génie donne une vie intense.

Il était nuit. Ce furent d'abord, – ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, – une abbaye aux murailles lézardées par la lune, une forêt percée de sentiers tortueux, – et le Morimont* grouillant de capes et de chapeaux.

Ce furent ensuite, – ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, – le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, – des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d'une ramée, – et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice.

Ce furent enfin, – ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, – un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, – une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, – et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.

Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, – et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.

Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, 1842.

* La place des éxécutions à Dijon, ville natale du poète.


Ill. Fitzgerald, Le Rêve de l'artiste.

lundi 11 octobre 2010

A propos des conjonctions et des prépositions

Certes conjonctions et prépositions sont des mots invariables, certes on a l'habitude d'apprendre bêtement leurs listes, sans s'interroger davantage.
Vous pouvez quand même remarquer que ces mots ne remplissent pas les mêmes fonctions :

- les conjonctions (mais, ou, et, donc, or, ni, car, en ce qui concerne la coordination) relient des mots, des groupes ou des propositions de mêmes fonctions :les souris grignotèrent/ et crevèrent. (Florian) : la conjonction "et" relie deux verbes

Dans ce titre de magazine, exp. : Kristen Stewart, une jeune fille timide et qui manque de confiance en elle, la conjonction "et" relie deux expansions du nom, deux éléments de même fonction.

- les prépositions (à, dans, par, pour, en, vers, avec, de, sans, sous, chez, sur, avant...) quant à elles, ont aussi une fonction de lien mais elles relient des mots ou des groupes de fonctions différentes :
Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été
. (Camus)
"de" relie le CdN l'hiver au nom qu'il détermine et "en" le pronom "moi" (CC) au verbe qu'il complète. Le rapport est, la plupart du temps, un rapport de complémentation.

Ill. : Conjonction Vénus / Mercure

lundi 27 septembre 2010

Crimes et jeans slim de Luc Blanvillain

Le problème du roman policier pour la jeunesse, c'est qu'il est souvent plus policé que criminel, l'auteur évite, la plupart du temps, le crime horrible pour faire porter l'attention de son lecteur sur le (les) enquêteur(s). Rien de tel ici, Luc Blanvillain met en scène un véritable sérial killer qui s'attaque aux filles branchées d'un lycée. Notre tueur est méthodique et soigneux, une balle dans le front et l'affaire est réglée. Ses victimes? Les "pétasses", une bande de filles qui vénèrent l'idéal de la marque, excluent férocement tous ceux qui ne leur ressemblent pas et dénient toute espèce d'intérêt pour les cours du lycée, sauf lorsqu'il sont dispensé par le jeune et séduisant prof de gym., Anthony.
Adélaïde (Adé pour la bande) a vite compris que pour survivre au lycée elle devrait s'intégrer à la bande des "pouffes" (comme elle se surnomment elles mêmes) formée de Mélanie, Pauline et Emma. Elle mène donc une double vie: elle est, chez ses parents, la sage Adélaïde qui cultive son goût pour la musique et la littérature mais elle devient, dans la journée Adé, la plus branché des "pouffes" en jeans slim et tenues provocante. Mauvais calcul, surtout quand le tueur après avoir assassiné la première d'entre elles inonde la ville de tacts promettant de débarrasser le lycée des jeunes filles dépravées.
Adé pourra toutefois compter sur son frère que passionne la vie des éléphants et sur Thibault, un "intello", non dénué de charme et qui ne se laisse pas trompé par les apparences.
Le roman est drôle, malin mais un peu trop manichéen, l'auteur semble prendre un plaisir non dissimulé à exécuter ses "pouffes" et son coupable, quand on a saisi son système de valeur n'a hélas rien d'étonnant. La caricature des lycées est malgré tout amusante et le récit vous emporte tant pas son rythme haletant, que par la qualité de ses dialogues qui dessinent des personnages bien campés.

Luc Blanvillain, Crimes et jeans slim, quespire éditeur, 2010. (nouveauté cdi)

Voir aussi la chronique de notre libraire préférée :
http://www.initiales.org/Crimes-et-jeans-slims.html

Niveau : 4e-3e

dimanche 5 septembre 2010

Marguerite Yourcenar

Ce n'est pas seulement parce qu'elle fut la première femme élue à l'académie française que Marguerite Yourcenar (1903-1987, de Crayencour, de son vrai nom) occupe une place de premier plan dans la littérature française, c'est avant tout parce qu'elle laisse une oeuvre variée, éclectique rédigée dans une langue somptueuse.
Orpheline de mère pratiquement dès sa naissance, la jeune Marguerite est élevée par sa grand-mère et par son père qui l'emmène dans ses voyages (Angleterre, Suisse, Italie...). Ce père pour qui elle a une grande admiration décède en 1929. Elle entreprend alors elle même une série de voyages qui ne resteront pas sans écho dans son oeuvre future, ses terres de prédilections étant la Grèce, l'Italie, les Etats-Unis et le Japon.
Les Nouvelles orientales d'où provient le "dernier amour du Prince Genghi" sont publiées en 1938, Marguerite Yourcenar a déjà publié plusieurs romans et traduit Virginia Woolf. Ces nouvelles envisagent l'Orient dans une acception très large puisque l'Orient de M. Yourcenar est un peu celui des romantiques qui englobait le pourtour méditerranéen. Son intérêt pour le Japon se manifestera aussi par la publication d'un essai consacré au grand écrivain japonais Mishima, Mishima ou la vision du vide (1980).
En 1950, Marguerite Yourcenar se retire sur l'île des Monts désert (au large des côtes du Maine - Etats-Unis). Son chef d'oeuvre, Les Mémoires d'Hadrien, est publié l'année suivante. Il s'agit d'un roman historique dans lequel Marguerite Yourcenar confie la parole au grand empereur roman Hadrien. Tout en reconstituant la vie de l'empereur, l'auteur nous met en présence d'un humain particulièrement clairvoyant dont les méditations, les tâtonnements philosophiques constituent une véritable leçon de vie. L'ouvrage est écrit dans une langue magnifique, précise et rythmée mais difficilement accessible pour des collégiens.
Ses Nouvelles orientales (en particulier "Comment Wang Fo fut sauvé" ou "Kali décapitée)" sont accessibles de même que ses traductions de negro-spiritals (Fleuve profond, sombre rivière). Jusqu'au bout Marguerite Yourcenar aura voyagé, explorant les mystères de l'âme et la diversité culturelle de sa planète. C'est cette diversité, le sentiment d'étrangeté qui nous saisit face à l'autre qu'elle a cherché à mettre en oeuvre dans son écriture.

vendredi 2 juillet 2010

Coeur d'Encre de Cornelia Funke

Vous me suivez quand je commence? et bien continuez, les amis! sur un thème un peu - beaucoup - plus joyeux que le précédent... Coeur d'Encre de Cornelia Funke

Meggie, douze ans, vit en Italie avec son père. Elle est heureuse, simplement, au milieu de leur petite maison remplie de livres. Car les livres, c’est tout pour elle; comme pour Mo, son père. Les livres sont des amis qui vous murmurent à l’oreille. Où bien est-ce nos deux héros qui font murmurer les livres ? Meggie n’y a jamais pensé. Elle se contente du bonheur présent sans en demander plus. Si, peut-être, elle demande une mère. Car la sienne a disparue d’une façon étrange… et Mo refuse de lui livrer ce secret, il le garde. Jusqu’à cette nuit où un inconnu arrive. « Va au lit Meggie », lui dit son père, avant de s’enfermer dans son cabinet, avec le mystérieux homme. Mais qui voudrait aller se coucher dans de pareilles circonstances ? Surement pas la jeune fille. Se rêvant héroïne d’un de ses livres qu’elle adore, elle écoute à la porte. Mais elle ne comprend pas ce qui s’y dit : qui est Capricorne ? Et doigt et poussière ? Quel est ce livre qu’ils cherchent tous ? Elle ne le sait pas encore, mais cette nuit va changer le cours de sa vie, l’entrainant dans un monde qui est bien le sien, le notre mais qui, pourtant, est absolument différent… un livre mêlant avec brio amour et amitié, rêve et réalité.

Mon avis : qui pourrait penser qu’on entre si vite dans un livre ? Un livre qui ne paye pas de mine est qui pourtant est un vrai trésor. Une histoire merveilleuse où certains rêves feraient mieux de ne pas devenir réalité… je l’ai lu deux fois, et chaque fois je me suis retrouvée prise au piège de ces mots qui s’enchaînent avec tant de facilité, forgeant une histoire à la fois drôle et fantastique, pleine de rebondissements inattendus.

Info : un film est sortit l'année dernière , adapté du livre... voici la bande annonce... (j'ai beaucoup aimé le film lui aussi...)
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18849990&cfilm=118342.html

Alice Dégremont.

Niveau : Collège

Pour un premier compte rendu de lecture en première

Parcours « Marginalité, plaisir du romanesque » (Roman)  Claire de Duras , Ourika *, « Classiques et cie », Hatier ; Victor Hugo, Notre Dam...