Qu'est-ce qui, chez les quatrièmes 2, provoque cette fascination mimétique pour l'autruche ? Serait-ce l'air inspiré de l'animal, comme en témoigne la photo, ci-dessus - elle me fait penser à quelqu'un ? Ou est-ce l'amour de la littérature. Prévert immortalise le splendide volatile dans l'un de ces contes. En voici la fin :
L’AUTRUCHE
Ne m’appelle pas Madame, ça me fait mal aux ailes, appelle-moi Autruche tout court.
LE FILS POUCET
Oui, Autruche. Mais tout de même, ma mère, n’est-ce pas ?
L’AUTRUCHE, en colère
N’est-ce pas quoi ? Tu m’agaces à la fin et puis, veux-tu que je te dise, je n’aime pas beaucoup ta mère à cause de cette manie de mettre toujours des plumes d’autruche sur son chapeau…
LE FILS POUCET
Le fait est que ça coûte cher… mais elle fait toujours des dépenses pour éblouir les voisins.
L’AUTRUCHE
Au lieu d’éblouir les voisins, elle aurait mieux fait de s’occuper de toi, elle te giflait quelquefois.
LE FILS POUCET
Mon père aussi me battait.
L’AUTRUCHE
Ah! Monsieur Poucet te battait, c’est inadmissible. Les enfants ne battent pas leurs parents, pourquoi les parents battraient-ils leurs enfants ? D’ailleurs, Monsieur Poucet n’est pas très malin non plus, la première fois qu’il a vu un oeuf d’autruche, sais-tu ce qu’il a dit ?
LE FILS POUCET
Non.
L’AUTRUCHE
Eh bien, il a dit : « Ça ferait une belle omelette ! »
LE FILS POUCET, rêveur
Je me souviens, la première fois qu’il a vu la mer, il a réfléchi quelques secondes et puis il a dit : « Quelle grande cuvette, dommage qu’il n’y ait pas de ponts. » Tout le monde a ri mais moi, j’avais envie de pleurer, alors ma mère m’a tiré les oreilles et m’a dit : « Tu ne peux pas rire comme tout le monde quand ton père plaisante ! » Ce n’est pas ma faute mais je n’aime pas les plaisanteries des grandes personnes…
L’AUTRUCHE
… Moi non plus, grimpe sur mon dos, tu ne reverras plus tes parents mais tu verras du pays.
– Ça va, dit le petit Poucet et il grimpe.
Au grand triple galop, l’oiseau et l’enfant démarrent au triple galop, c’est un très gros nuage de poussière. Sur le pas de leur porte, les paysans hochent la tête et disent : « Encore une de ces sales automobiles ! Mais les paysannes entendent l’autruche qui carillonne en galopant : « Vous entendez, disent-elles en se signant, c’est une église qui se sauve, le diable court sûrement après. » Et tous de se barricader jusqu’au lendemain matin, mais le lendemain l’autruche et l’enfant sont loin.
L’AUTRUCHE
Ne m’appelle pas Madame, ça me fait mal aux ailes, appelle-moi Autruche tout court.
LE FILS POUCET
Oui, Autruche. Mais tout de même, ma mère, n’est-ce pas ?
L’AUTRUCHE, en colère
N’est-ce pas quoi ? Tu m’agaces à la fin et puis, veux-tu que je te dise, je n’aime pas beaucoup ta mère à cause de cette manie de mettre toujours des plumes d’autruche sur son chapeau…
LE FILS POUCET
Le fait est que ça coûte cher… mais elle fait toujours des dépenses pour éblouir les voisins.
L’AUTRUCHE
Au lieu d’éblouir les voisins, elle aurait mieux fait de s’occuper de toi, elle te giflait quelquefois.
LE FILS POUCET
Mon père aussi me battait.
L’AUTRUCHE
Ah! Monsieur Poucet te battait, c’est inadmissible. Les enfants ne battent pas leurs parents, pourquoi les parents battraient-ils leurs enfants ? D’ailleurs, Monsieur Poucet n’est pas très malin non plus, la première fois qu’il a vu un oeuf d’autruche, sais-tu ce qu’il a dit ?
LE FILS POUCET
Non.
L’AUTRUCHE
Eh bien, il a dit : « Ça ferait une belle omelette ! »
LE FILS POUCET, rêveur
Je me souviens, la première fois qu’il a vu la mer, il a réfléchi quelques secondes et puis il a dit : « Quelle grande cuvette, dommage qu’il n’y ait pas de ponts. » Tout le monde a ri mais moi, j’avais envie de pleurer, alors ma mère m’a tiré les oreilles et m’a dit : « Tu ne peux pas rire comme tout le monde quand ton père plaisante ! » Ce n’est pas ma faute mais je n’aime pas les plaisanteries des grandes personnes…
L’AUTRUCHE
… Moi non plus, grimpe sur mon dos, tu ne reverras plus tes parents mais tu verras du pays.
– Ça va, dit le petit Poucet et il grimpe.
Au grand triple galop, l’oiseau et l’enfant démarrent au triple galop, c’est un très gros nuage de poussière. Sur le pas de leur porte, les paysans hochent la tête et disent : « Encore une de ces sales automobiles ! Mais les paysannes entendent l’autruche qui carillonne en galopant : « Vous entendez, disent-elles en se signant, c’est une église qui se sauve, le diable court sûrement après. » Et tous de se barricader jusqu’au lendemain matin, mais le lendemain l’autruche et l’enfant sont loin.
Jacques PRÉVERT, Contes pour enfants pas sages, in Histoires et d’autres histoires, Gallimard, coll. « Folio Junior », 1977.
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