jeudi 24 septembre 2015

Apollinaire et l'esprit nouveau

I. « Esprit nouveau » et Futurisme

Dans la lignée des Futuristes italiens, les poètes du début du siècle cherchent à renouveler la poésie. «… le monde s’est enrichi d’une beauté nouvelle, écrivait Marinetti en 1909 : la beauté de la vitesse. ». Les futuristes célèbrent le monde moderne tout en réclamant la destruction des valeurs traditionnelles.
L’esprit nouveau se voudra moins radical, si le monde moderne inspire Apollinaire, il ne remet pas en cause les poètes qui l'ont précédé (romantiques et symbolistes). Dans l’œuvre d’Apollinaire, tradition et modernité se croisent. L’un des poèmes les plus emblématiques de l’Esprit nouveau, « Zone » commence par ce vers « Tu es las à la fin de monde ancien », qui tout en rejetant la tradition, lui accorde une certaine reconnaissance puisqu’il se donne à lire comme un alexandrin.
Blaise Cendrars et son automobile

II Les caractéristiques de l’ « Esprit nouveau »

A. La célébration du monde moderne

Alors que les Symbolistes recherchaient les signes d’un autre monde, les poètes de l’esprit nouveau sont fascinés par ce monde et les possibilités techniques qu’offre la civilisation industrielle. Les progrès techniques ont facilité les voyages : Apollinaire, Cendrars, Jacob, célèbrent un monde cosmopolite et urbain.
« Les villes répondaient maintenant par centaine », c'est ainsi qu'Apollinaire clôt son recueil, Alcools, signifiant par là que le monde moderne est entré dans l’ère des grandes cités urbaines et de la communication.
La publicité devient source d’inspiration (notamment chez Cendrars) et les objets nés du progrès technique, le train, le tramway, l’avion, sont désormais jugés dignes de nourrir l’inspiration poétique. Symbole de ce modernisme triomphant, la Tour Eiffel sera chantée aussi bien par Cendrars dans les Dix-neuf poèmes élastiques que par Apollinaire dans « Zone ».

B. La fantaisie

Ce goût de la fantaisie constitue également l’un des points de ralliement des poètes de l’EspritConférence sur l’esprit nouveau de 1917.
Apollinaire par Metzinger, 1910.
nouveau « la surprise, l’inattendu, est un des principaux ressorts de la poésie d’aujourd’hui », affirme Apollinaire dans sa
Les images peuvent devenir triviales :
Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau qui vient de naître je t’aime
Apollinaire, « Mon très cher petit Lou, je t’aime », Poèmes à Lou.
Jeux de mots et calembours s’invitent en poésie :
Gens de Saumur ! gens de Saumur
Oh ! laissez-moi dans ma saumure
Max Jacob, « Le Saltimbanque en wagon de 3e classe », Les pénitents en maillots roses.
Ainsi s’écrie le voyageur de Max Jacob en proie aux rêveries que lui inspire son voyage en train, opposant son désir d’ailleurs au présupposé prosaïsme des gens de Saumur.

C. Figures de l’errance

La figure du poète voyageur, errant à travers le monde caractérise le lyrisme de ce XXe siècle naissant. A l’image du monde en mutation, le poète se prend au jeu du mouvement. Il est ce saltimbanque dont la figure hante les poèmes d’Alcools, il est l’émigrant ou ce voyageur inlassable
Le Kremlin
qui arpente le monde pour en dire la beauté et, vainement, s’épuiser à son contact :
J’étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple d’Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Blaise Cendrars, La prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France.
Les « voies anciennes » définissent aussi bien les chemins de traverse géographiques que les voies de la poésie. Et le poète aura la faculté de se déplacer autant dans l’espace que dans l’histoire ou la conscience d’autrui. Sa mobilité se veut infini : « On peut être aventureux dans tous les domaines, écrit Apollinaire, toujours dans sa Conférence sur l’esprit nouveau : il suffit que l’on soit aventureux et que l’on aille à la découverte. » et le poète de plébisciter l’imagination qui autorise tous les voyages.

D'après, Poésie, rhétorique, registres et courants littéraires, Ellipses, 2009.

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