dimanche 9 janvier 2011

Hammett ou quand le roman policier devient littéraire...

Dashiell Hammett est mort il y a cinquante ans, le 10 janvier 1961, il avait soixante-cinq ans. Ce fut un immense écrivain, c'est lui qui, est à l'origine de ce personnage qu'on trouve aujourd'hui dans toutes sortes de films et feuilletons policiers : le détective privé "hard boiled" (dur à cuire).
Il n'a écrit que cinq romans dont quatre sont considérés comme de véritables chefs-d'oeuvre : Moisson Rouge (1929), Sang Maudit (1929, Le faucon de Malte (1930) et La clé de Verre (1931). Influencés par le cinéma, les écrivains de cette époque, cherchent une écriture objective, qui rapporte des comportements (sans s'intéresser ni aux sentiments ni aux états d'âme), on appelle parfois cette tendance ce littéraire, le courant "behaviorist".
Hammett a profondément modifié le roman policier en l'élevant au rang d'oeuvre littéraire : son personnage principal est généralement un détective privé qui exerce son métier sans états d'âme. Le romancier situe l'action de ses intrigues dans un univers urbain, corrompu et violent. L'histoire n'y a finalement qu'une importance secondaire et c'est cette atmosphère de violence et de corruption qu'on retient généralement de son oeuvre. Hammett a probablement puisé son inspiration dans sa propre expérience puisqu'il fut lui-même détective privé pour la célèbre agence Pinkerton de Philadelphie, pendant près de six ans.
Panne d'inspiration? Crise personnelle? Notre auteur publie un dernier roman en 1934 (L'Introuvable, à l'origine d'une série de films à succès dans les années trente) et cesse d'écrire. Ses opinions politiques (il était communiste) lui vaudront d'être inquiété (et même emprisonné) pendant le triste période de la "chasse aux sorcières" McCarthyste.

Moisson rouge et La Clé de Verre sont deux romans qui fonctionnent un peu sur le même thème : opposition de gangs et liquidations au sein d'une petite ville corrompue. Le second constitue une prouesse, parce qu'entièrement rédigé en focalisation externe il traduit aussi l'intérêt de Hammett pour cette science, alors nouvelle, la psychanalyse.

Sang Maudit est un roman gothique moderne qui plonge son lecteur dans l'univers trouble des sectes.

Quant au Faucon de Malte, il s'agit d'une chasse au trésor, Hammett y réutilise (il a écrit quantité de nouvelles pour les "pulps" - magazines bons marchés) le personnage de Sam Spade, privé inflexible, incarné à l'écran par Humphrey Boggart.

jeudi 6 janvier 2011

La Poésie romantique

IV. Les poètes romantiques

Les premières manifestations du romantisme en tant que mouvement littéraire sont la constitution, en 1820, d’un salon littéraire le Cénacle. Le premier cénacle regroupe Nodier, Hugo, Vigny, Saint-Beuve, Dumas. Les jeunes romantiques célèbrent Les Méditations poétiques de Lamartine comme un texte phare.

Si la poésie de Lamartine (1790-1878) peut être considérée comme l’une première manifestation du romantisme, elle n’en reste pas moins classique dans sa forme. Les Méditations poétiques, reçoivent en 1820, un succès inattendu qui est due à son lyrisme nouveau.

Un peu en marge du mouvement, malgré l’amitié qui la lie à Victor Hugo, Marceline Desbordes Valmore (1786-1859) connaîtra un succès grandissant. Son premier recueil, Elégies et romances (1819). Inspirée par une vie errante et difficile, la poésie de Marceline Desbordes Valmore est une poésie mélancolique et innovante, elle utilise, bien avant Verlaine le mètre impair.

L’œuvre de Victor Hugo (1802-1885) dépasse le cadre du romantisme. Ses premiers recueils,Odes et ballades (1828) et les Orientales (1829) traduisent l’enthousiasme romantique pour de nouvelles sources d’inspiration, Hugo se tourne vers le Moyen Âge ou l’Orient. Avec les Feuilles d’automne (1831) puis Les Rayons et les Ombres (1841), l’écriture se fait plus lyrique. Victor Hugo publie en 1856, son chef d’œuvre, Les Contemplations. Le recueil naît du besoin d’évoquer le terrible drame de 1843, la noyade accidentelle de sa fille Léopoldine.

Musset
(1810-1857), jeune auteur prodige rejoint le cénacle à l’âge de 18 ans, ses Contes d’Espagne et d’Italie lui assurent le succès. Avec les Nuits (1838-1837) il fait entendre une poésie plus personnelle et magnifie la souffrance l’élevant au rang de principe esthétique : "Les plus désespérés sont les chants les plus beaux" (Musset, Nuit de mai)

L’œuvre de Nerval (1808-1855) est sans doute l’une des plus abouties du romantisme. Les Chimères (1854) sont un recueil de sonnets parfois hermétiques dont la langue parfaitement ciselée et les références alchimiques annoncent le symbolisme :

Je suis le ténébreux, - le veuf, - l’inconsolé, Le prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Nerval, « El Desdichado », Les Chimères.

Phot. Nerval par Nadar.

mardi 4 janvier 2011

La Poésie romantique


I. Définition
L’adjectif romantique apparaît en Allemagne et en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, et désigne une littérature de la sensibilité. Il s'agit d'une littérature qui se veut différente du classicisme, rejetant l'inspiration antique et les règles de régularité ou d'équilibre.

II. Les précurseurs
Le romantisme s’affirme finalement assez tardivement en France, il s'épanouit d'abord en Allemagne (Goethe, le "Sturm un Drang") et en Angleterre (Mc Pherson, Byron).
Certains écrivains français annoncent cette sensibilité : Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, avec des romans marqués par le sentimentalisme connaissent un succès retentissant.
Chateaubriand (René, 1802) et Senancour (Obermann, 1804) engagent la France dans la voie du romantisme. Ils mettent en scène des héros victimes d’un mal de vivre indéfinissable.

III. Une révolution poétique ?

A. Une poésie entre tradition et modernité

Victor Hugo a fait de l’alexandrin ternaire son cheval de bataille mais le trimètre s’affirme plus comme l’emblème de la liberté que comme une véritable possibilité nouvelle. Les poètes utilisent désormais beaucoup plus volontiers l’enjambement que prohibait la doctrine classique mais s’en tiennent aux formes traditionnelles (Ode, sonnet, ballade…).

B. Des sources d’inspiration nouvelles

La véritable révolution romantique s’effectue dans la liberté que le poète s’octroie pour non plus imiter mais inventer.
Le Moi devient un sujet d’exploration privilégié et le lyrisme s’affirme comme le registre dominant de la première génération romantique. Dans les Méditations poétiques (1820) Lamartine évoque des thèmes qui seront ceux de toute une génération : l’homme, inadapté à son siècle, cherche refuge dans la nature qui lui rappelle la fragilité de son existence et l’irréversible marche du temps.
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ; J’aime à revoir encor pour la dernière fois, Ce soleil palissant dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.
Lamartine, « L’Automne », Méditations poétiques.

Le romantisme ne dédaigne pas le pittoresque. Hugo dans les Orientales ressuscite l’univers des Mille et une nuits, Musset dans ses Premières poésies évoque avec légèreté l’Espagne et l’Italie.
Nerval et Aloysius Bertrand explorent les univers du rêve et de la métempsycose.
Le romantisme français n’est pas pour autant déconnecté de son temps et le poète sait
s’engager, Victor Hugo prend part aux luttes politiques et sociales de son époque, il se battra contre la tyrannie d’un Napoléon III ou la peine de mort.

Illustrations aquarelle d'E. Lami, illustrant la Nuit de maid'Alfred de Musset La nuit de Mai

mardi 21 décembre 2010

Joyeux Noël !


On dit qu’à Noël, dans les étables, à minuit,
l’âne et le bœuf, dans l’ombre pieuse, causent.
Je le crois. Pourquoi pas ? Alors, la nuit grésille :
les étoiles font un reposoir et sont des roses.

L’âne et le bœuf ont ce secret pendant l’année.
On ne s’en douterait pas. Mais, moi, je sais qu’ils ont
un grand mystère sous leurs humbles fronts.
Leurs yeux et les miens savent très bien se parler.

Ils sont les amis des grandes prairies luisantes
où des lins minces, aux fleurs en ciel bleu, tremblent
auprès des marguerites pour qui c’est dimanche
tous les jours puisqu’elles ont des robes blanches.

Ils sont les amis des grillons aux grosses têtes
qui chantent une sorte de petite messe
délicieuse dont les boutons d’or sont les clochettes
et les fleurs des trèfles les admirables cierges.

L’âne et le bœuf ne disent rien de tout cela
parce qu’ils ont une grande simplicité
et qu’ils savent bien que toutes les vérités
ne sont pas bonnes à dire. Bien loin de là.

Mais moi, lorsque l’Été, les piquantes abeilles
volent comme de petits morceaux de soleil,
je plains le petit âne et je veux qu’on lui mette
de petits pantalons en étoffe grossière.

Francis Jammes, De l'Angélus de l'aube à l'angélus du soir, 1897.

Ill. Nativité par Le Tintoret (env. 1550), Musée de Boston.

mercredi 15 décembre 2010

Les plaintes de Gilgamesh


Les plaintes de Gilgamesh constituent dans l'épopée un grand moment de poésie, sans doute l'un des premiers moments lyriques de l'histoire humaine.

« Qu’ils te pleurent, les chemins que tu as parcourus pour gagner la Forêt des cèdres. Que leurs plaintes emplissent le jour et la nuit.
« Qu’ils te pleurent, les anciens de la cité d’Uruk, eux qui avaient béni notre périple.
«Qu’elles te pleurent, les eaux pures des montagnes que nous avons gravies tant et tant de fois.
«Qu’elles te pleurent, les campagnes, qu’elles déchirent l’air de leurs cris, comme le ferait une mère.
«Qu’elles te pleurent, les forêts, que cèdres et cyprès gémissent au vent.
« Qu’ils te pleurent, les animaux des steppes et des forêts, ours, hyènes, panthères, tigres, cerfs, daims, bouquetins et tous ceux de ta harde.
« Qu’ils te pleurent, les jeunes gens d’Uruk qui nous ont vus tuer le Taureau céleste.

Le récit de Gilgamesh, « Classiques abrégés », l’école des loisirs, 2010.


ill. : le combat de Gilgamesh et d'Enkidu, palais d'Asurbanipal.

lundi 6 décembre 2010

L'apposition

1/ Définition

L'apposition est une fonction grammaticale, elle fait partie des expansions du nom. Elle présente la particularité de reprendre, du point de vue du sens, le mot déterminé.

Je viens de rentrer après une visite à mon propriétaire, l’unique voisin dont j’ai à m’inquiéter.
(Première phrase des Hauts de Hurlevent, d'Emily Brontë)

On considérera que "l'unique voisin..." est apposé à "mon propriétaire".

2/ Construction

L'apposition peut se construire comme le complément du nom : le nom apposé est introduit par une préposition et fait suite au nom déterminé.

La ville d'Exeter - La profession d'avocat

L'apposition se construit, sans quoi, par simple juxtaposition, le nom apposé est détaché du nom (ou du pronom) qu'il détermine par une virgule.

– C’est la fille de mon défunt maître, monsieur, Catherine Linton...

L'apposition ne suit pas nécessairement immédiatement le mot qu'elle détermine

Ces inscriptions, d’ailleurs, répétaient toutes le même nom en toutes sortes de caractères, grands et petits, Catherine Earnshaw, çà et là changé en Catherine Heathcliff, puis encore en Catherine Linton.

mercredi 1 décembre 2010

Keats poète romantique

Keats n'est pas seulement le héros du film de Jane Campion Bright Star, il est aussi l'un des plus grands poètes romantiques anglais. L'Ode au rossignol est une très belle méditation sur le temps et l'éternité, elle est aussi l'un de ses poèmes les plus connus.

[...] Dans le noir, j’écoute ; oui, plus d’une fois
J’ai été presque amoureux de la Mort,
Et dans mes poèmes je lui ai donné de doux noms,
Pour qu’elle emporte dans l’air mon souffle apaisé ;
à présent, plus que jamais, mourir semble une joie,
Oh, cesser d’être - sans souffrir - à Minuit,
Au moment où tu répands ton âme
Dans la même extase
Et tu continuerais à chanter à mes oreilles vaines
Ton haut Requiem à ma poussière.

Immortel rossignol, tu n’es pas un être pour la mort !
Les générations avides n’ont pas foulé ton souvenir ;
La voix que j’entends dans la nuit fugace
Fut entendue de tout temps par l’empereur et le rustre :
Le même chant peut-être s’était frayé un chemin
Jusqu’au cœur triste de Ruth, exilée,
Languissante, en larmes au pays étranger ;
Le même chant a souvent ouvert,
Par magie, une fenêtre sur l’écume
De mers périlleuses, au pays perdu des Fées.

Perdu, ce mot sonne un glas
Qui m’arrache de toi et me rend à la solitude !
Adieu ! L’imagination ne peut nous tromper
Complètement, comme on le dit - ô elfe subtil !
Adieu ! Adieu ! Ta plaintive mélodie s’enfuit,
Traverse les prés voisins, franchit le calme ruisseau,
Remonte le flanc de la colline et s'enterre
Dans les clairières du vallon :
était-ce une illusion, un songe éveillé ?
La musique a disparu : ai-je dormi, suis-je réveillé ?

Trois dernières strophes de l' "Ode au rossignol" in Les Odes, trad. Alain Suied, Éditions Arfuyen


John Keats sur le site "Esprits nomades" http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/keats.html

Ill. Le keats de Jane Champion, interprété par Ben Whishaw dans Bright Star

Pour un premier compte rendu de lecture en première

Parcours « Marginalité, plaisir du romanesque » (Roman)  Claire de Duras , Ourika *, « Classiques et cie », Hatier ; Victor Hugo, Notre Dam...