dimanche 23 janvier 2011

La poésie au XIXe

1/ Le romantisme

Les poètes romantiques se regroupent autour de Victor Hugo qui sera le chef de file du mouvement. Ils sont enthousiasmé par la poésie lyrique de Lamartine qu’ils prennent pour modèle. Ils composent des poèmes mélancoliques qui exploitent le thème du mal dusiècle Ils introduisent des thèmes nouveaux : l’exotisme et le rêve .

Les romantiques apportent peu d’innovation dans la forme ; Victor Hugo revendique le triètre , un alexandrin à trois accents.

Lamartine

Les Méditations poétiques

1820

Vigny

Poèmes antiques et modernes

1826

Hugo

Les Orientales Les Rayons et les ombres

1829 1840

Nerval

Odelettes Les Chimères

1834 1854

Musset

Poésies Nouvelles

1850

2/ Le Parnasse

Les Parnassiens refusent les excès du lyrisme et préconisent une poésie impersonnelle . Ils recherchent des formes parfaites, évoquent des paysages lointains ou des scènes historiques.

Gautier

Emaux et Camés.

1852

Leconte de Lisle

Poèmes antiques Poèmes Barbare

1852 1862

Heredia

Les Trophées

1893

3/ Le symbolisme

Les symbolistes, inspirés par Baudelaire recherchent les correspondances entre le monde d’ici-bas et le monde spirituel . Ils refusent le réalisme et le goût des parnassiens pour une poésie formelle.

Le paysage exprime leurs états d’âme et les symbolistes privilégient la musicalité.

Le grand poète symboliste est Mallarmé (Poèmes, 1899) ; Rimbaud, Verlaine et Tristan Corbière se rapprochent du mouvement sans y adhérer.

Verlaine

Poèmes saturniens Fêtes galantes Romances sans parole

1866 1869 1874

Rimbaud

Une Saison en Enfer « Voyelles », « Oraison du soir », « Les Assis », « Les Effarés », « Les Chercheuses de poux », « Le Bateau ivre » seront publiés dans Les Poètes maudits de Velaine

1873

1884

Corbière

Les Amours jaunes

1873

Les symbolistes (Verhaeren en particulier) utilisent le vers libre.

mardi 18 janvier 2011

Le Parnasse (2)

B. La quête de la perfection formelle

Les Parnassiens privilégient le travail de la forme. Ils remettent à l’honneur les formes fixes, rondeaux et ballades (Banville), sonnet (Heredia).

La réflexion sur le vers revient aux préceptes classiques : « L’art des vers, dans tous les pays, et dans tous les temps, repose sur une seule règle : la Variété dans l’Unité. – Celle-là contient toutes les autres. Il nous faut l’unité, c’est à dire le retour des mêmes combinaisons, parce que, sans elle, le vers ne serait pas un Être, et ne saurait nous intéresser ; il nous faut la Variété, parce que, sans elle, le vers nous berce et endort. » (Banville, Petit Traité de poésie française, 1872)

Le travail fait l’objet d’un véritable culte, il permet de trouver la rime parfaite, le rythme adéquat, le mot juste...

C. L’Espace et le temps

Si le lyrisme s’efface, c’est pour laisser place à une poésie descriptive qui explore les mystères d’une nature indifférente et fatale. Recherchant la « variété dans l’unité », les poètes se tournent volontiers vers l’exotisme pour évoquer toutes les facettes de cette nature que le poète renonce à expliquer et dont le spectacle à lui seul vaut méditation. Les Poèmes Barbares de Leconte de Lisle donnent lieu à de saisissants tableaux qui révèlent les mystères d’une nature immuable et la vanité de l’existence humaine.

Si l’exotisme constitue une source d’inspiration majeure, les Parnassiens explorent volontiers l’histoire et la mythologie. Banville se réfère à l’antiquité gréco-romaine, Heredia, brosse dans ses Trophées, une suite de tableaux qui évoquent toute l’histoire humaine.

Le Parnasse (1)

I. Définition

Dans la mythologie grecque, le Parnasse est la résidence d’Apollon et des neuf muses. C’est en référence à ce lieu sacré, symbole de l’inspiration qu’un groupe de poètes de la seconde moitié du XIXe siècle se baptise du nom de « Parnasse ». Ces poètes qui, rejettent le romantisme, veulent une esthétique moderne fondée sur la perfection formelle et le rejet de l’outrance lyrique.

II. Aux sources du mouvement

Deux poètes servent de modèle à la jeune génération parnassienne : Théodore de Banville qui, dans Les Cariatides (1842), déplace l’inspiration lyrique au cœur de la Grèce antique et surtout Théophile Gautier qui, avec Emaux et Camées (1852), illustre une doctrine de "l’art pour l’art": « Il n’y a vraiment de beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles, comme sa pauvre et infirme nature. »

III. Esthétique du Parnasse

Autour de Leconte de Lisle, qui fait figure de chef de file (il reçoit les jeunes parnassiens dans son salon du Boulevard des Invalides), s’élabore peu à peu la doctrine parnassienne.

A. Un lyrisme tempéré

Avec les « Montreurs », le maître condamne le lyrisme en l’assimilant à un spectacle de foire destiné au vulgaire. :

Tel qu'un morne animal, meurtri, plein de poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d'été,
Promène qui voudra son cœur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !

Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété,
Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière,
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté.

Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussé-je m'engloutir pour l'éternité noire,
Je ne te vendrai pas mon ivresse et mon mal,

Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées.

Leconte de Lisle, « Les Montreurs », Poèmes barbares, 1862.

S’il ne rejette pas de façon absolue le lyrisme, il préconise une esthétique de la pudeur et défend une conception aristocratique de la poésie fondée sur le refus de la facilité et l’exaltation du beau.


ill. portrait de Leconte de Lisle par Jacques Léonard Blanquer

samedi 15 janvier 2011

Le poème en prose (4), la fonction poétique du langage

III. Un langage poétique ?

Comme le poème versifié, le poème en prose développe ce que Jakobson appelle la fonction poétique du langage. Le langage se fait jeu : la figure de style l'éloigne du langage ordinaire. La métaphore transforme le monde : « Aux flancs des rocs qui trempent dans la nuit des précipices leurs chevelures de broussailles… » (Aloysius Bertrand, « L’Heure du Sabbat », Gaspard de la nuit.)
La nature ainsi animée, devient le cadre idéalement inquiétant d’une réunion sabbatique. Et la multiplication des images donne au texte sa densité poétique.
La dimension ludique peut aussi s’affirmer dans les répétitions :
Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. Ô Rumeurs et Visions!

Départ dans l'affection et le bruit neufs! (Rimbaud, « Départ », Illuminations.)
La répétition de l’adverbe « Assez » auquel se trouve accolé un verbe transitif privé de son complément crée une attente qui se trouve partiellement comblée par les phrases qui suivent, variations sur le thème initial.
Le poème peut aussi jouer des contrastes : Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie.
[…]De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un oeil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère. (Baudelaire, « Le joujou du pauvre », Le Spleen de Paris.)

Le poème se construit sur l’antithèse pauvreté / richesse que le poète exploite de façon systématique pour aboutir à l'étrange idée d’une pauvreté qui se fait désirer.

Le Poème en prose (3) un poème "ouvert"

Le poème suivant, extrait des Chants de la Balandrane (1977) de René Char, illustre l’autre tendance :

 Le sol qui recueille n’est pas seul à se fendre sous les opérations de la pluie et du vent. Ce qui est précipité, quasi silencieux, se tient aux abords du séisme, avec nos sèches paroles d’avant-dire, pénétrantes comme le trident de la nuit dans l’iris du regard. 

Si l’unité du texte repose sur un processus analogique qui place en parallèle les manifestations naturelles et choc de la création poétique. Le poème se donne à lire comme une ouverture. A la manière du haïku, il ouvre une brèche dans le réel et suscite l’interrogation.

Le poème en prose (2) un poème hyper structuré

Il était nuit. Ce furent d'abord, - ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, - une abbaye aux murailles lézardées par la lune, - une forêt percée de sentiers tortueux, - et le Morimont (*) grouillant de capes et de chapeaux.

Ce furent ensuite, - ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, - le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, - des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque fleur le long d'une ramée, - et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.

Ce furent enfin, - ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, - un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, - une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, - et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.

Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, - et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.

Aloysius Bertrand, « Un rêve », Gaspard de la nuit.

Le poème de Bertrand est divisé en strophes qui sont autant d’unités de sens. Les trois premières strophes ont un même thème : des décors sont évoqués par le biais d’un sens privilégié dans les strophes 1 et 2 (la vue puis l’ouie). La troisième strophe est centrée sur le thème de l’agonie, trois agonies se déroulent simultanément dans les lieux esquissés précédemment.
La strophe obéit à un autre principe structurant : l’anaphore : « ce furent », « ainsi je… ainsi je…».
Les strophes 3 et 4, quant à elles, reprennent en les dénouant les thèmes exposés au début du poème. Elles se distinguent par des des changement dans l'énonciation (passage des temps du passé au futur) qui orientent le récit vers son dénouement.

L’organisation du poème repose donc sur une opposition entre simultanéité (strophes 1 à 3) et chronologie (strophes 4 et 5) mais aussi entre l'indétermination et la singularité : par ce mouvement, le texte permet une identification progressive des personnages de la scène et de leur devenir.


Le poème en prose (1)

I. Définition
Jusqu’au XIXe siècle l’idée qu’un poème puisse s’écrire en prose eût semblé une absurdité, tant l’idée même de poésie était liée à la fabrique du vers. Quoiqu’il en soit le poème en prose existe et pose la question de la poésie et de sa spécificité. Certains critères s’imposent d’emblée pour le définir , le poème en prose se présente comme un texte bref et autonome, intense par sa polysémie ou l’utilisation ludique et esthétique qu’il fait du langage.

II. Brièveté, autonomie
Les premiers recueils de poèmes en prose se présentent effectivement comme une succession de textes brefs clos sur eux-mêmes. Les proses du Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand (1852) se reconnaissent aisément en ce qu’elles tiennent sur une page et se structurent en brefs paragraphes qui suggèrent autant d’unités.

Le Spleen de Paris de Baudelaire (poèmes rédigés entre 1855 et 1864) pose déjà plus de problèmes, certains textes atteignent les dimensions d’une nouvelle et s’en rapprochent également par leur sujet (« Le joueur généreux », par exemple). Dans la lettre à Arsène Houssaye où Baudelaire définit ce qu'il a voulu faire, il écrit : « Hachez-la en de nombreux fragments et vous verrez que chacun peut exister à part ». Preuve que le texte est bien autonome.
Suzanne Bernard distinguera deux grandes tendances dans l’élaboration du poème en prose. Soit le poème est hyper structuré, hyper travaillé, soit il est composé de façon un peu imprévisible en toute liberté.

On comparera rapidement deux textes, révélateurs de ces deux modes d’existence :


Pour un premier compte rendu de lecture en première

Parcours « Marginalité, plaisir du romanesque » (Roman)  Claire de Duras , Ourika *, « Classiques et cie », Hatier ; Victor Hugo, Notre Dam...